Il est indiscutable que "The Hobbit" offre à son spectateur de jolis moments de divertissement, mais - malheureusement - jamais pour des raisons purement cinématographiques. Non, à l'inverse de la réussite tout-à-fait honorable du "Seigneur des Anneaux", Peter Jackson n'a pas réalisé ici un film, mais l'un de ces objets non identifiés, mi-jeu vidéo, mi-attraction foraine, vaguement régressifs au demeurant, qui se subsituent chaque fois plus au cinéma... Et cela, c'est une vraie déception tant Jackson avait jusqu'alors conservé sa vision de "réalisateur traditionnel" même au sein des projets les plus gigantesques, et potentiellement anonymes. Ici, rien ne fonctionne vraiment au plan "cinéma pur" : le scénario, particulièrement infantile, est catastrophique, souffrant de la dilution de l'histoire - assez simple - de Tolkien dans la mythologie du monde de l'Anneau, à la fois pour étendre la durée du film, et pour - ce qui est honorable pour les fans de Tolkien - couvrir plus de "terrain" ; les acteurs n'ont rien à jouer ou le jouent mal, à l'exception notable de l'excellent Martin Freeman - qui est bien plus un Hobbit que ne l'était le pauvre Elijah Wood -, et surtout de Andy Sarkis, qui nous offre avec Gollum les seuls moments de tension psychologique, d'émotion humaine, en 170 minutes (quand même !) ; la mise en scène perd son ampleur épique pour adopter fréquemment le rythme frénétique qu'aiment les ados d'aujourd'hui, déréalisant dramatiquement les scènes de combat, au point de les rendre totalement vaines ; enfin, la systématisation des effets digitaux pour les personnages monstrueux comme pour les décors joue complètement contre la crédébilité de l'ensemble, nous laissant complètement indifférents devant les dangers "digitaux" menaçant des héros sans essence, dont on se fiche pas mal. Pour les amoureux de "Vrai Cinéma" (j'insiste...), signalons deux infractions curieuses - et rassurantes - aux règles du spectacle vidéo-ludique triomphant : l'introduction, assez magnifique, où Jackson refuse de nous montrer quoi que ce soit de significatif de son grand dragon, et la scène, également suggestive, des araignées géantes. Ce sont ces quelques moments qui nous permettent de garder l'espoir d'un ressaisissement dans les prochains volets de la trilogie.

EricDebarnot
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le 28 mars 2013

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Eric BBYoda

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