Le huitième jour présente un écueil assez impressionnant pour les non initiés au choc cinématographique, puisqu’il adopte complètement la vision que l’handicapé a du monde, et sa façon d’interagir avec. L’introduction du film est la bannière de George, un monde naïf et kitsch d’une violence assez intense question immersion (la mort de la fourmi, les caresses sur l’herbe…). C’est en cela que le huitième jour peut troubler, il assume d’office l’impossibilité de George à évoluer et à se confronter au monde réel, nécessitant dès lors une attention constante et une maîtrise de soi assez grande, les mêmes erreurs venant toujours se reproduire. La représentation du handicap mental est ici plutôt juste. Mais le film essaye d’en faire rire de façon communicative (et non comme un south park qui traite le malaise par le mauvais goût). Le huitième jour se rapproche du cinéma d’Almodovar dans son envie de rapprocher au maximum le spectateur de ses protagonistes, mais avec Georges, le constat est plutôt dur, ce parti pris de mise en scène se révélant pour le moins très lourd. Le fond d’enthousiasme du film, souligné par plusieurs séquences (celle où les handicapés empruntent un minibus en est une, sacrifiant sa cohérence à la bonne humeur) est louable, mais cet éloge d’une ingénuité monumentale ne convainc pas vraiment. Malgré l’amour et l’optimisme radieux qui se dégage de Georges. Et jusqu’à présent (dans la relation qu'il a avec Harry), essayer de renflouer un dépressif en lui montrant des petites fleurs ne fera que le pousser davantage dans la dérive. L’intention est bonne, le fonctionnement est piteux (je doute qu’un dépressif, constatant le bonheur débordant d’un être limité, intègre immédiatement que le bonheur est dans les choses simples, et qu’au contraire il lui semblera davantage inaccessible). Heureusement, c’est Harry qui sauve le film. Campé par un Daniel Auteuil d’une sincérité touchante, le portrait de père raté qu’il délivre suscite sans arrêt l’émotion, et c’est bien lui qui est son principal atout. Dans l’évolution même de son état d’esprit, le film parvient à redonner la dose de bonheur qu’il cherchait à créer. Mais ce n’est hélas pas avec Georges. Ou peut être tout simplement qu’il était un peu trop ambitieux de vouloir faire rire avec Georges. Car le potentiel dramatique est bien exploité. La scène chez la sœur de Georges touche à une corde très sensible et se révèle être une polémique à elle seule. L’ingénuité de Georges, souvent utilisée pour de petits gags, se révèle être à double tranchant en le mettant en danger dans la vie quotidienne. Mais le film abuse aussi de certains effets, cédant parfois au bon gros pathos (la déclaration d’amour à une serveuse inconnue dans un resto, la fin extrêmement appuyée question effets) pour créer de l’émotion facile. En résulte un film assez étrange (qui s’essaye même à la comédie musicale sur la fin, en faisant intervenir les protagonistes de plusieurs scènes (dont la sœur de Georges et son mari, sans leurs enfants dont la présence était pourtant capitale dans cette scène)), ambitieux et intéressant sous bien des aspects (déjà pour son thème), mais dont les messages me semblent devoir être nuancés.