Profitant de son passage à la télé, j'ai revu ce film que j'avais vu à sa sortie en salles, en 1996 et que j'avoue j'avais pas mal oublié. J'avais envie de revoir comment le thème du handicap était traité et j'avais gardé un souvenir ému de l’interprétation des deux acteurs principaux.
Je trouve que le duo Daniel Auteuil / Pascal Duquenne est remarquablement bien équilibré et que c'est toute la force du film. Plongeant dans l'univers d'un trisomique, le film nous donne à voir le handicap de l'intérieur, ce qui est une intention rare au cinéma. On vit, on rit, on s'émerveille, on pleure de rage avec Georges. On est touché, désorienté, attristé et gai avec Harry.
La confrontation entre ce quadra obsédé du boulot mais en grand souffrance et ce jeune homme trisomique, en souffrance lui aussi, va s'avérer fructueuse. Ils vont vite devenir inséparables. Le merveilleux humour de Georges va dérider notre Harry dépressif.
"La bande", comme les appelle le réalisateur inspiré Jaco Van Dormael, est constituée d'acteurs handicapés, tous originaux avec leur façon si particulière de s'exprimer, de rire, de sourire.
J'ai aimé l'histoire d'amour entre Nathalie et Georges, notamment la scène dans la camionnette qui pose la question de la sexualité des handicapés, sujet oh combien tabou.
Le thème du rejet est abordé régulièrement tout au long de la fiction. A ce titre, l'épisode où la serveuse, voyant Georges enlever ses lunettes de soleil et découvrant sa différence, le rejette brutalement est très touchante et explicite dans le message. On comprend bien alors la souffrance de Georges qui vit régulièrement ce genre de moments.
Je trouve également la scène chez la sœur très bien vue car elle met l'accent sur un thème fort peu traité au cinéma, celui de la souffrance des frères et sœurs de personnes handicapées qui captent toute l'attention des parents et celui de l’impossible prise en charge des personnes différentes au sein du foyer familial.
Le monde de Georges peut paraître assez naïf, mais il est assez convaincant pour sortir Harry de sa sinistrose et le rapprocher de ce qui compte vraiment : l'amour de la vie et des autres, les enfants, la nature.
Notons enfin la belle participation de Miou-Miou, en femme délaissée et des filles du réalisateur, Alice et Juliette, aux regards si expressifs et aux rires éclatants qui inondent le générique de fin.
Outre ses qualités poétiques, je vois ce film comme un briseur de tabous et cela fait du bien !
J'y ai trouvé néanmoins quelques maladresses mais suffisamment mineures pour ne pas entacher la qualité du film.
Les scènes avec le sosie de Luis Mariano sont un tantinet répétitives. Les apparitions de la maman de Georges et ses dialogues avec elle sont aussi un poil répétitives.
La scène chorale de la fin, empruntant au registre de la comédie musicale m'a semblée un peu malvenue et surtout mal traitée : les enfants du couple de la sœur et du beau-frère y sont absents alors que cela aurait ajouté une touche essentielle au bon fonctionnement de la scène.
Le côté un peu appuyé de la fin a quand même réussi à me tirer quelques larmes et c'est plutôt rare chez moi.
Donc, c'est un film que je conseille car, même si vous l'aurez compris, ce n'est certes pas un chef d'oeuvre, c'est néanmoins un film indispensable sur la différence.