Dans le cadre du Festival italien j'ai eu la chance de voir le superbe film de Vittorio de Sica : Le jardin des Finzi Contini avec la douce et blonde Dominique Sanda, Helmut Berger au physique d'ange déchu, et le ténébreux Fabio Testi.


Enfants chéris et gâtés de cette riche et brillante famille juive où tout n'est que beauté, luxe et volupté, ils s'ébattent ivres de liberté, de jeunesse et d'insouciance dans le jardin des délices, ignorants du monde qui les entoure et des ombres menaçantes qui se profilent à l'horizon.


Si je n'avais pas connu le nom du réalisateur, j'aurais plutôt pensé à Visconti au vu des images somptueuses, une esthétique raffinée qui tranche du tout au tout avec le cinéma habituel, bien plus réaliste de De Sica. Il faut dire que le cinéaste s'est inspiré du roman de l'écrivain italien Giorgio Bassani le narrateur dans le film, amoureux de Micol, qu'il avait connue à 13 ans et qu'il évoque non sans émotion dans cet émouvant passage qui célèbre la toute puissance du souvenir :


"Combien d'années s'est-il écoulé depuis ce lointain après-midi de juin ? Plus de trente. Pourtant, si je ferme les yeux, Micol Finzi-Contini est toujours là, accoudée au mur d'enceinte de son jardin, me regardant et me parlant. En 1929, elle n'était guère plus qu'une enfant, une fillette de treize ans maigre et blonde avec de grands yeux clairs, magnétiques. Et moi j'étais un jeune garçon en culotte courte, très bourgeois et très vaniteux, qu'un petit ennui scolaire suffisait à jeter dans le désespoir le plus puéril. Nous nous regardions fixement l'un l'autre. Au-dessus d'elle, le ciel était bleu et compact un ciel chaud et déjà estival, sans le moindre nuage ; Rien ne pourrait le changer, ce ciel, et rien, effectivement, ne l'a changé, du moins dans le souvenir."


Italie 1938 neuf ans plus tard : début de la chasse aux sorcières et des lois iniques concernant les Juifs.
Ce havre de paix, cette douceur de vivre, cette insouciance que symbolise le jardin des Finzi Contini, tout cela est appelé à disparaître : rien ni personne ne sera épargné.


Humiliations, deuils, arrestations, c'est l'écroulement d'un monde privilégié: leur jardin désormais n'est plus qu'une terre en friche.
Tableau chatoyant et tragique nimbé d'une douce et subtile mélancolie: magnifique!

Aurea
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le 1 avr. 2012

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Aurea

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