Encore un film que j'avais vu il y a très longtemps (probablement à la télé). On ne le trouvait plus ces dernières années , peut-être parce qu'il était en cours de restauration.
Dans la filmographie de René Clément, ce film se situe bien après les films dits de "Résistance" tels que "la bataille du rail", "Le père tranquille" qui sont sortis juste après -guerre. Le film est tourné peu de temps avant "Paris brûle-t-il?". Je veux dire par là que la tonalité de l'épisode de l'Occupation conté dans "le jour et l'heure" bénéficie d'une réflexion plus mûre de la part de René Clément.
L'action du "Jour et l'Heure" se situe avant le Débarquement en Normandie puisque cet évènement est annoncé à la fin de film. Cette précision est importante car le point de bascule n'est pas encore atteint : allemands comme français de Vichy y croient encore même si on entrevoit des petits malins (inspecteur Marboz) qui pensent déjà à l'avenir.
Pour éviter de trop "spoiler", je dirais que le film raconte l'odyssée d'une femme, mère de famille bourgeoise dont le mari est prisonnier, chargée de convoyer un aviateur américain qui ne parle pas un mot de français de Paris vers les Pyrénées.
Le personnage central, Thérèse Dutheil, est joué par Simone Signoret qui excelle dans ce rôle complexe où elle joue une femme bourgeoise de forte personnalité mais soumise à l'autorité du mari, en son absence, à celle de sa belle-sœur (Geneviève Page) et de toute façon, à l'autorité du moment. Par la force des choses, elle se trouve embringuée dans cette histoire de convoyage et peu à peu sa vision s'élargit et son regard s'ouvre sur les gens et surtout sur un espace de liberté.
Au début du film, Antoine (Michel Piccoli), ancien camarade (de classe ? d'enfance ?) de Thérèse, dévoile ou laisse comprendre que Thérèse a contracté un bon mariage et a changé de monde. "S'il faut aider Thérèse, avec plaisir, aider madame Dutheil, non". Là aussi, des années auparavant, il y a donc eu un avant et un après pour Thérèse dont on devine qu'elle a su en son temps jouer des coudes. C'est donc cette personnalité profonde qui lui permettra de s'adapter et d'évoluer dans un monde mouvant et dangereux. Le personnage est vraiment intéressant. On ne sera pas étonné de la performance de Simone Signoret.
Autour de Simone Signoret plusieurs seconds rôles de talent à commencer par Stuart Whitman dans le rôle de l'aviateur (acteur bien connu comme second rôle dans des westerns) puis Michel Piccoli en chauffeur de camion, Virlojeux en pharmacien résistant, Marcel Bozzuffi en flic vichyste à la main (très) leste, Pierre Dux en inspecteur Marboz et Reggie Nalder en un inquiétant gestapiste (c'est écrit sur son front...).
Ne pas oublier Geneviève Page dans le rôle peu ragoûtant de la belle-sœur plus préoccupée de sauvegarder les biens de la famille que de tout le reste. Une jolie scène où elle fait signer pleins de décharges à sa sœur qui va entrer au couvent et qui invite Thérèse à sa cérémonie d'entrée (il y a un mot exact mais il m'échappe) ; Thérèse lui répond en substance "sûrement pas, je ne veux pas te voir tondre deux fois"
La mise en scène de René Clément est très réussie et certaines scènes sont inoubliables comme la séquence du rapide Paris-Toulouse. Cette séquence est d'autant plus terrible et angoissante que les gens présents dans le train sont passifs voire indifférents au drame qui se joue au milieu d'eux.
Une histoire solide et intense bien mise en scène par René Clément. Un très beau personnage interprété par une Simone Signoret inspirée.