1951, grand cru originel pour la science-fiction : à ma droite, La chose d’un autre monde de Nyby et Hawks, à ma gauche, Le jour où la terre s’arrêta. Le parallèle est d’autant plus intéressant que ces deux œuvres, pour différentes qu’elles soient (un huis clos d’épouvante contre une fable politique à l’échelle internationale) se nourrissent de la même question : l’angoisse générée par la Guerre Froide.
Si La Chose incite à la plus grande méfiance sur ce que le ciel peut nous déverser, le film de Wise pousse le curseur de quelques crans : la situation est tellement tendue qu’elle suscite la réaction d’une intelligence extraterrestre venue nous enjoindre, menace à la clé, de limiter les dégâts.
Sur le terrain de la SF au sens strict, le film est limité, et en cela assez attendrissant dans ses effets rudimentaires et son esthétique sommaire : le cinéphile peut voir dans ces esquisses une sorte de Lascaux de ce qui deviendra un imaginaire fécond et infini.
Car c’est surtout la dimension du conte philosophique qui l’emporte : Klaatu est une sorte de Persan venu visiter notre monde étrange, et en révéler, par la candeur salvatrice de ses réactions, toute la mécanique grippée. L’incapacité à réunir les deux puissances, à renverser les préoccupations au profit de la race humaine dans son ensemble en dit long sur les passions qui nous rongent : à l’échelle gouvernementale, bien entendu, mais aussi des individus, la jalousie d’un homme seul pouvant faire basculer le destin de la planète.
Bien entendu, la parabole renvoie par bien des points à une relecture du Nouveau Testament, un être supérieur prenant forme humaine pour tenter de sauver les hommes, assassinés par eux avant de temporairement ressusciter. Mais la neutralité de discours est intéressante à distinguer : Klaatu ne dicte aucune idéologie aux humains, et reste indifférent à leur cohabitation, pourvu que leur violence ne menace pas les planètes voisines. Ce constat plutôt pessimiste prend acte de la violence inhérente au monde des hommes : 6 ans après la 2ème guerre mondiale, l’illusion n’est plus de mise ; il s’agit simplement de tenter de limiter les capacités croissantes de destruction.
En cela, le dénouement est tout à fait intéressant : il efface la présence extra-terrestre au profit d’un discours destiné à tous les hommes, les mettant face à leur responsabilité. La menace d’une destruction de la Terre renvoie ironiquement à ce qu’on appellera l’équilibre de la terreur, à la différence près que dans ce cas, le système est contrôlé par des robots, et non par des êtres humains esclaves de leurs passions…
S’ouvre alors une nouvelle brèche dans l’imaginaire de la Science-Fiction, celle de l’intelligence artificielle : décidément, Le jour où la terre s’arrêta mit bien des choses en branle.
(6.5/10)