Après un coup de feu dans un immeuble, où un homme en ressort mortellement blessé, l'assassin se terre dans son appartement, cerné par les policiers, et par des flash-back, va tenter de comprendre comment il en est arrivé là...
Sorti en salles peu avant la Seconde Guerre Mondiale, Le jour se lève porte bien son titre ; il est annonciateur de la fin. D'une époque, de gens, d'une société. En l'occurrence, nous suivons les derniers instants d'un ouvrier, ce qui est annoncé dès le début, qui s'enfonce dans sa chambre, évitant les balles des policiers tirées à travers la porte.
Le film est porté par un immense, magnifique, grandiose et bouleversant Jean Gabin, dont sa douceur cache en fait une colère, l'envie d'aimer, ce qu'il va faire en rencontrant à son travail une fleuriste, jouée par Jacqueline Laurent, qui est une incarnation de la beauté sur Terre, et dont le point commun est qu'ils sont issus tous les deux de l'assistance publique. Ce sont donc deux êtres humais en quête d'amour, qui vont s'embrasser à l'abri des regards indiscrets, mais dont le bonheur va être perturbé par la rencontre entre Gabin et Arletty, puis Jules Berry, celui par qui le drame va arriver...
Techniquement, c'est tout simplement baigné par la perfection ; celle des décors d'Alexandre Trauner, dont le génie fut de créer un immeuble (de façade) de cinq étages pour faire suggérer la sensation d'enfermement au personnage de Gabin, la lumière à la fois très douce de Philippe Agostini, et bien entendu la mise en scène de Carné qui proposa une audace scénaristique incroyable pour l'époque. Celle de faire que le film entier soit un flash-back, à travers trois grosses séquences, cassant ainsi la linéarité à laquelle le cinéma habituait les spectateurs. Je n'oublie pas le sublime scénario de Jacques Prévert avec de sacrées perles dans les dialogues comme Vous avouerez qu'il faut avoir de l'eau dans le gaz et des papillons dans le compteur pour être restée trois ans avec type pareil déclamés avec délice par Arletty, laquelle nous la voyons dans le plus simple appareil. Ce qui fit qu'à l'époque, le pouvoir en place coupa cette scène, comme tant d'autres qui critiquaient la police, jusqu'à l'arrivée de la version d'origine ... en 2014 !
Le film dégage à la fois quelque chose de terriblement poétique, dans la relation entre Gabin et Laurent, qui sont unis par une même cause, et par l’inéluctabilité d'une situation à laquelle cet homme est condamné. On comprend qu'il n'aura jamais été heureux, et que cette brève rencontre aura été sa seule bouffée d'oxygène dans sa vie. J'adore le moment où cette femme lui tend un ours en peluche, et les comparant au miroir, lui dit que comme son jouet, il a à la fois un œil joyeux et un autre un tout petit peu triste.
C'est tout simplement magnifique, de par la force de ses interprètes, dont j'ai oublié de parler de la force du personnage de Jules Berry, lequel paraitra constamment ambigu sur ses motivations, de par l'audace narrative et visuelle, et qui annonce bien des jours sombres.