Qu’est ce qui pousse un homme à en tuer un autre ? Pour le spécialiste du crime en France, Christophe Hondelatte (notre raïs à nous), le crime est généralement motivé par deux raisons : l’argent et l’amour.
François (Jean Gabin) se fiche de l’argent et est amoureux de Françoise. Le crime serait passionnel donc, mais la vérité est elle vraiment binaire à ce point ? En inventant le procédé du flashback, Maurice Carné explore la psychologie d’un homme, enfermé dans son appartement cerné par la police, qui n’en a plus rien à fout*e.
C’est quelque chose qu’il faut avoir en tête en regardant ce film. Car aujourd’hui le flashback est un élément évident de la grammaire cinématographique à laquelle nous sommes habitués. Mais en 1939, la succession des séquences indiquait forcément une progression linéaire du temps (montage alterné). On comprend dès lors le défi que se lança Carné : inventer un procédé narratif permettant de remonter le temps, sans perdre le spectateur, afin d’expliquer la situation initiale du film tout en la faisant avancer de manière cohérente.
Ce film est vertigineux d’intelligence et de simplicité à la fois.
Maintenant… Le film date de 1939 et donc peut évidemment paraître rebutant. Pourtant je n’ai jamais vu autant de punchline débitées à la minute.
Les voix de Gabin et d’Arletty se mêlent dans un concert de répliques détonant qui ferait passer le style Guy Ritchie pour du Wejdene. Avec des films comme Quai des brumes (« T’as de beaux yeux tu sais ») ou Hotel du Nord (« Par terre on se dispute mais au lit on s’explique et sur l’oreiller on se comprend ») le duo Carné (réalisation) Prévert (adaptation et dialogue) font triompher le réalisme poétique et marquent au fer rouge le cinéma de l’entre deux guerres.
Probablement déçus par l’échec du Front Populaire, ils créent ensemble des films engagés, sombres et fatalistes mais dans lequel l’ouvrier devient un héros de poétique, indissociable de la gouaille de Gabin et de sa "gueule d'amour".