Bien avant les adaptations de Luis Bunuel et de Benoît Jacquot, Jean Renoir réalisait en 1946 sa version du célèbre roman d'Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre. Une véritable réussite souvent considérée comme son meilleur film américain.
Paru en 1900, le roman d'Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre, aura été à maintes reprises adapté au théâtre ainsi qu'au cinéma. Outre une version russe, quasi-inconnue, de 1916, les spectateurs français retiendront plus volontiers le remake de Bunuel en 1964 (avec Michel Piccoli et Jeanne Moreau entre autres) , véritable satire anti-bourgeoise crue tournant au jeu de massacres. Ou encore la version plus récente de Jacquot en 2015, avec Vincent Lindon et Léa Seydoux. On oublie ainsi souvent que Jean Renoir, "l'un des plus grands cinéastes du monde" selon Bertrand Tavernier, avait lui aussi mis en scène ce roman à scandale, acerbe sur les puissants et leur "pourriture", mettant en vedette une soubrette souhaitant être calife à la place du calife ! Si cette version s'éloigne beaucoup des écrits de Mirbeau, avec notamment une "happy end" sans doute souhaitée par la production, s'avère théâtrale voire caricaturale par moments, Renoir signe pourtant ici un petit chef d'œuvre de tragi-comédie lorgnant quasiment vers le film noir.
UNE HISTOIRE FRANÇAISE À HOLLYWOOD
Sorti en 1946 aux États-Unis, et deux ans plus tard plus tard en France, le film fut un succès public relatif et reçut un accueil critique plutôt mitigé. Taxé d'artificialité, le film a été entièrement tourné en studio, par les français, les américains de leur côté y voyaient surtout une histoire française très théâtrale. Avec le temps, Le Journal d'une femme de chambre mérite d'être réévalué et s'avère être avec L'homme du sud le meilleur film hollywoodien de son réalisateur.
Gêné par les producteurs lors de ses premiers films américains, Renoir parvient ici à avoir plus de liberté grâce à une production indépendante, à la quelle participa le couple d'acteurs Paulette Goddard-Burgess Meredith. L'ex-femme de Charlie Chaplin est d'ailleurs parfaite en femme ambiguë et ambitieuse, une vraie figure féministe plus positive que dans les autres versions. Même s'il n'aura pas la même violence qu'un Bunuel par exemple, c'est par le sous-entendu que Renoir imprime ici la dimension sexuelle et cruelle du récit de Mirbeau. Grâce notamment à la superbe interprétation de Francis Lederer qui joue un Joseph froid, cruel et sadique ou de Judith Anderson, transformée en mère maquerelle !
En reprenant ce roman naturaliste, Renoir revenait finalement au cinéma de ses débuts, marqué par les...
Retrouvez la critique intégrale de l'édition Sidonis par ici : "Regard Critique - Home cinéma - Critique Le Journal d'une femme de chambre : Test du Bluray" http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6493