Luis Bunuel a regroupé dans le même lieu le contenu le plus significatif du roman d'Octave Mirbeau. Il a élagué, nécessairement, mais modifié aussi, notamment le dénouement. On imagine bien, qu'au-delà des rapports entre maitres et domesticité, le visage obscène et grotesque de la bourgeoisie que peint Mirbeau rejoint l'oeuvre et les préoccupations de Bunuel.
Le metteur en scène reprend à son compte, avec plus d'ironie que de véhémence, le cynisme social et la perversité sexuelle de ceux qui incarnent une classe dirigeante pas aussi convenable qu'elle voudrait l'être. Pourtant, indépendamment des incidents croustillants que produit le sujet, le lecteur de Mirbeau, bien qu'admirateur de Bunuel, regrettera peut-être de ne pas retrouver dans le film la complexité morale et psychologique de Célestine la femme de chambre, ni la noirceur et le dégoût de l'écrivain relativement à une société où maitres et serviteurs partagent la même indignité.
Bunuel s'approprie le roman et épargne la fonction domestique, comme sa condition d'ailleurs, et montre des bourgeois plus amusants que sinistres dans leurs turpitudes et leurs travers. Aussi, sans aller jusqu'à parler de trahison, c'est une lecture plutôt convenue et sage que propose Bunuel, rendue inévitable sans doute par l'abandon du "je" dans la narration cinématographique.