Le Journal d'une femme en blanc est un film plus qu'important, car il est celui qui a alerté au grand public le danger des avortements clandestins, qui provoquaient alors plus de décès que dans les accidents de la route. Rappelons que le droit à l'avortement date de 1975, dite la loi Veil.
Avant ça, avorter était condamnable, voire passible de la peine de mort durant les années Vichy ! C'est donc en tant que document de son époque, 1965, qu'il faut considérer le film de Claude Autant-Lara, autant manifeste pour les femmes à jouir de leur corps comme elles le souhaitent, qu’œuvre totalement féministe.
Marie-Josée Nat joue une jeune interne en gynécologie dont la vie va être marquée par l'arrivée d'une femme victime d'un avortement clandestin, dont le tétanos qu'elle a contracté à la suite de ça la met en danger de mort. On voit le comportement dégueulasses de certains de l’hôpital en prétextant que si telle femme a décidé d'avorter, elle mérite donc de souffrir, et plus généralement du peu de considération des hommes envers les femmes. Y compris du côté de la santé.
Il y a un côté documentaire qui se dégage de ce film, on assiste à un accouchement où la femme découvre alors le sexe de son enfant, une autre qui aurait préféré être un homme pour ne pas avoir à souffrir autant, et cette jeune personne entrée à la suite d'un avortement clandestin...
Autant ce qui est dit est très intéressant, la forme en elle-même est rebutante ; les acteurs ne dégagent guère d'émotions, il y a très peu de musique, le décor en lui-même est très épuré (bon là, il s'agit d'un hôpital), on se croirait presque dans un décalque de Robert Bresson. Il y a quelque chose de solennel, comme si tout le monde était paralysé par les enjeux très graves qu'il montre, que ça m'a refroidi à plusieurs reprises.
Il est également amusant, entre guillemets, de voir la vie d'un hôpital en 1965 et que, dieu merci, les règles d'hygiène ont bien changé ; toutes ces opérations faites sans gants, bonjour le risque infection nosocomiale !
On ne reviendra pas sur le cas Autant-Lara à la fin de sa vie, attaquant Simone Veil, qui avait promulgué une loi pour laquelle il a combattu avec ce film, mais le grand succès de Le Journal d'une femme en blanc mobilisa l'intérêt des foules pour le droit à l'avortement, à tel point qu'une suite sera réalisée l'année suivante, avec la même équipe.
Même si je trouve que le film a mal vieilli, au niveau de la forme, il est nécessaire de le voir pour le témoignage d'une époque.