"Le Labyrinthe" c’est, à l’origine, un roman de James Dashner, premier tome de la trilogie "The Maze Runner" ("L’Épreuve" en français), publiée à peu près en même temps qu’"Hunger Games". Pourquoi évoquer la saga de Suzanne Collins ici ? Parce que, tout comme cette dernière, "Le Labyrinthe" fait partie du genre un peu fourre-tout qu’est le roman young adult, qui squatte nos librairies et par extension nos écrans depuis maintenant un peu plus de dix ans. Sauf que les romans de Dashner sont un peu particuliers dans ce paysage disparate, déjà parce qu’ils ont été écrits sans aucune arrière-pensée ni hypocrisie, l’auteur n’essaie pas de transmettre quelconque message vain à travers ses lignes (il a vraiment conscience du public de son œuvre), et d’autre part parce que leur adaptation – qui vient juste de sortir – n’est pas une production Lionsgate / Summit, les studios à l’origine de "Hunger Games", "Divergente" et "Twilight", mais de la Fox. Mais qu’est-ce que ça change que ça soit la Fox et pas Lionsgate ? Tout simplement une prise de risque minorée : les bouquins sont beaucoup moins connus que les bulldozers cités plus haut, en résulte un budget presque dérisoire pour une production américaine de ce type (trente millions de dollars : pour se faire une idée c’est autant que "Supercondriaque"). A la réalisation ? Wes Ball, un spécialiste des effets spéciaux sorti un peu de nulle part, chargé de diriger des acteurs issus, eux, de tous horizons, de "Teen Wolf" à "Game of Thrones", en passant par "Narnia" et "Skins".

Sur le papier ce n’était pas nécessairement palpitant : des livres plein de potentiel pourtant écrits avec les pieds, un budget de Série B pour un metteur en scène aux allures de yes man. La bande-annonce plutôt réussie et les interprètes pouvaient cependant redonner un peu d’espoir, mais il était mince. Très mince.
Et il s’est passé quelque chose. Il doit s’agir d’un miracle, une variable qu’on avait oublié de prendre en compte, ou peut-être est-ce seulement le résultat d’attentes pas forcément très importantes. Mais oui, au risque d’en surprendre certains, "Le Labyrinthe" est un bon film, si ce n’est un très bon film, mais pas pour les raisons que l’on croit. Le film de Wes Ball va sans aucun doute diviser, se récolter des notes sanctions, trouver ses détracteurs : il serait difficile d’imaginer autre chose pour un projet de ce genre. Est-ce que ce serait avoir tort que de relever ses nombreux défauts ? Non car "Le Labyrinthe" est un film parfaitement imparfait. Absence de fond, scènes parfois prévisibles… Ce n’est à vrai dire "qu’un" divertissement. Mais voilà, c’est un divertissement réussi. Et aussi surtout, une démarche accomplie.

La première constatation : Wes Ball est un vrai metteur en scène. Un excellent, même. Pas d’idées follement originales, mais une maîtrise qui inspire un profond respect tant sa réalisation parvient à être à la fois intense, terrifiante, rythmée et surtout à faire ressortir à merveille l’aspect parfois très sombre des romans de Dashner (très sombre pour de la littérature young adult, on entend bien). On alterne entre "Sa Majesté des Mouches", "Jurassic Park" et le thriller pur – les scènes à l’intérieur du Labyrinthe sont oppressantes au possible, la direction d’acteurs est parfaite, et surtout, ce n’est pas un hasard, mais malgré le budget serré les effets spéciaux sont très beaux. Mettre de tels techniciens derrière la caméra n’est donc pas une si mauvaise idée, tant il parait impossible de s’imaginer que "Le Labyrinthe" possède des moyens quatre à cinq fois inférieurs à celui d’un "Hunger Games".
A propos du casting, c’est aussi là une grande réussite du film : il n’y a vraiment aucune fausse note. Dylan O’Brien est charismatique au possible, Will Poulter réussit encore à surprendre avec un rôle des kilomètres de celui qu’il avait dans "Les Millers", les autres font le boulot mais force est de constater qu’ils sont tous bien dirigés. Et il est inutile de rappeler que c’est vraiment rare dans ce genre de production.

Tout ça n’est pas arrivé par hasard, car là où "Le Labyrinthe" devient vraiment brillant, c’est dans le travail d’écriture qu’il y a derrière. Et ça, il est évident qu’on ne s’en rendra compte qu’en ayant lu les livres. Dashner avait trop d’idées, sa saga est un peu bordélique, inutilement complexe, souvent frustrante, et le film parvient à merveille à effacer tous ces défauts : ce qui équivaut aux quinze premiers chapitres doit être résumé en dix minutes, tous les détails et fausses-pistes invraisemblables semés ici et là ont été charcutés, des changements au niveau de l’univers du "Bloc" assez nombreux mais tous justifiés et bienvenus. Avec comme résultat une production qui va à cent à l’heure, des rebondissements à chaque scène, une intrigue sans cesse relancée, des séquences plus que maîtrisées. Ceci parfois au détriment des personnages (qui n’étaient pas non plus très profonds dans le livre), mais qui bénéficie énormément au film qui s’en retrouve vraiment énergique et surtout, et c’est assez rare pour le noter, ultra-condensé. "Le Labyrinthe" dure moins de deux heures, sa forme est simple mais fait son boulot, résultant une version allégée et épurée du matériel d’origine, que le film surpasse ici complètement.

Pas la peine d’attendre du "Labyrinthe" plus que ce qu’il est : bourré de défauts que les plus frigides s’amuseront à soulever, simple divertissement sans aucun message mais qui maintient, sans forcer, le spectateur en haleine. Ni un chef d’œuvre, ni un film inoubliable, ni une révolution, ni une référence. Juste une réussite, qui écrase complètement ses concurrents et le livre qu’il adapte, se démarque par sa maîtrise, son efficacité, sa tension et même ses émotions. Sombre, peut-être même violent, c’est aussi un tour de force complètement inattendu qui retourne ses faiblesses scénaristiques à son avantage. Ce n’est pas une métaphore de notre société, ce n’est pas une réflexion sur on-ne-sait-quel-sujet, non. "Le Labyrinthe" c’est juste quarante gamins coincés au milieu d’un environnement hostile, avec des monstres, des morts, des trahisons et des mystères à chaque coin du Bloc. Avec toutes les possibilités que ça implique. Et voir de nos jours de la science-fiction revenir à un tel niveau de spectacle foncièrement généreux, ça fait vraiment très plaisir.
Vivienn
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le 26 sept. 2014

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