Le Labyrinthe de Pan par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En 1944, l'Espagne sort d'une terrible guerre et le tristement célèbre général Franco dirige le pays d'une main de fer en opprimant le peuple pendant que la résistance s'organise comme elle peut dans la clandestinité. C'est dans cette atmosphère que se déroule une bien curieuse aventure dont Ofelia, une jeune adolescente, va devenir l'héroïne. Carmen, la mère de celle-ci, vient de se remarier avec Vidal, un homme rigide et cruel, capitaine de l'armée franquiste. Enceinte, elle vient avec sa fille habiter au côté de son époux dans un ancien moulin, vaste et sinistre. Ofelia, très attachée à sa mère, s'ennuie dans cette bâtisse et déteste la sévérité de son beau père. Un jour la jeune fille découvre par hasard, non loin de la demeure, un curieux labyrinthe dont le gardien est un faune qui va lui révéler qu'elle n'est autre que la princesse disparue d'un royaume enchanté. Afin de lever le doute qui l'envahit***, Ofelia*** va se soumettre à une série d'épreuves périlleuses sans y être préparée. En tentant de les exécuter avec succès, elle aura l'espoir de passer dans une autre galaxie, bien meilleure que celle dans laquelle elle vit...


Cette histoire nous plonge dans deux mondes parfaitement différents reliés entre eux par de nombreuses passerelles au son d'une ritournelle omniprésente et obsédante comme pour mieux amplifier le drame permanent qui entoure ce vieux moulin sinistre et inquiétant. Ces deux mondes définissent en premier lieu l'horrible répression que faisait subir à son peuple le général Franco. Cette institution de la torture et du massacre est symbolisée par le capitaine qui se heurte à une poignée de républicains désespérés, épris de liberté et combattant ce régime au prix de leur vie et de celle de leurs familles. En second lieu, un autre monde, celui du merveilleux où il faut savoir mériter le bonheur de la liberté en luttant et en subissant des épreuves au péril de sa vie. Ofelia sera guidée pour cela par Pan, cette curieuse créature fantastique et humaine qui évolue dans ce labyrinthe aussi tortueux que le choix que devra opérer Ofelia. Celle-ci sera témoin des tortures et des exécutions infligées à ceux qui espéraient un monde de liberté et d'humanisme. Elle vivra également l'angoisse des familles de résistants, les humiliations de Vidal, image type de Franco, le décès dans l'indifférence de sa mère et la fierté du père d'avoir un fils et non une fille. Comme le peuple et les maquisards, elle fait son choix et lutte à sa manière dans son monde féerique pour sortir du cauchemar dans lequel elle vit afin de se retrouver au sein d'un monde imaginaire fait de justice et de bonté. La liberté et la justice ont un prix: celui du sacrifice. C'est en tout cas le sens de cette parabole parfaitement imagée dans cette œuvre.


Le réalisateur Guillermo Del Toro reste très marqué par la terrible période de la guerre d'Espagne. Il s'était précédemment distingué en réalisant un autre film fantastique sur ce sujet: "L'échine du diable". Dans le film que je vous présente ici, il continue sa lutte contre le fascisme en nous gratifiant d'une œuvre d'une grande originalité. Il n'est pas aisé de mêler au cinéma le réalisme au fantastique et là, le pari est tout à fait réussi. Cette fable est très convaincante au niveau des idées mais aussi de sa réalisation. Les tons bleutés accentuent l'aspect mystérieux du climat au sein duquel se mêlent des personnages humains opposés dans leurs âmes et dans leurs idées. Certains sont laids de l'intérieur mais dominants, d'autres ont le sens de la justice, de la solidarité et sont engagés dans un combat désespéré. Ils ne peuvent se rattacher à aucune branche car même la religion a choisi son camp, celui de la terreur. Interviennent alors ces passerelles vers un monde aussi mystérieux qu'idéaliste, sorte de paradis pour les justes et les opprimés. Ce sujet douloureux du franquisme, encore bien vivant dans les mémoires, ne peut qu'émouvoir et révolter par le fait que ces théories inhumaines courent encore dans l'esprit de certains.


Pour illustrer ceci, Sergi Lopez se montre assez étonnant en digne représentant d'un régime sûr de sa force, encouragé par les exactions infligées au peuple espagnol. On ne peut qu'apprécier Ivana Baquero dans le rôle d'Ofelia troublante et fragile, tiraillée entre deux mondes et subissant les dures épreuves imposées par le réel et le merveilleux. Maribel Verdu, amie d'un maquisard, et Ariadna Gil dans le rôle de Carmen, épouse victime de la tyrannie, sont toutes deux bouleversantes. Doug Jones est un Pan très réussi, aussi énigmatique qu'inquiétant.


Par ce film, Guillermo Del Toro nous invite à passer un moment parsemé de scènes dures, cruelles et très réalistes, parfaitement en rapport avec le message qu'il veut nous transmettre. D'un autre côté ce film demeure envoûtant par l'originalité de certains personnages; la beauté des images et la force des dialogues.


Ce film a obtenu :



  • Trois Oscars en 2007 : Meilleure photographie, meilleurs décors et meilleurs maquillages.

Créée

le 22 déc. 2015

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