J'y suis allée avec une copine qui, comme moi, aime les films avec les nazis (notre précédent film était Suite Française, que nous avions communément jugé "pas assez chargé en nazis, trop d'incohérences historiques, très mal adapté du roman.") et sur la recommandation de mon père, qui va tellement rarement au cinéma qu'un film suceptible de lui plaire m'intrigue toujours (je lui ai donc donné la vie des autres en divx, on verra bien).
Nous avons été très satisfaites.
Déjà, j'adore entendre l'allemand au cinéma, ensuite l'acteur principal est un mélange improbable de Brad Pitt et de Josh Charles, enfin, le pitch du jeune procureur idéaliste qui cherche à faire condamner les nazis pour (du moins au début de l'histoire) "meurtres commis à Auschwitz" est assez réjouissant. Nous avons découvert avec une consternation mélée d'incrédulité l'ampleur de l'ignorance des allemands des années 50/60 concernant la Shoah. Que s'est il passé pour qu'ils ne soient pas au courant ? N'y a-t-il pas eu diffusion auprès de la population allemande de films documentaires réalisés par l'armée russe et l'armée américaine sur la libération des camps ? les journeaux n'ont ils pas évoqué les massacres ? Les riverains immédiats des camps n'ont-ils pas été chargés de l'enfouissement des victimes dans des fosses communes ? N'ont-ils pas raconté ?
En tout cas, les survivants se sont tus, ce qui est compréhensible, non seulement à cause de la douleur, du deuil, de la difficulté de raconter l'horreur, mais de peur de ne pas être cru ou compris. On sait que ceux qui sont rentrés en France ont reçu un acceuil mitigé, contrairement aux prisionniers résistants.
J'ai aimé ce film parce qu'il met en lumière une génération qui est née dans les années 30, et qui, hormis un endoctrinement rapide dans les jeunesses hitlériennes dont on espère qu'elle n'a pas laissé de traces néfastes n'a pas été membre du parti nazi, était trop jeune pour faire la guerre et aspire à mener une vie de jeune adulte exposé au rock'n'roll et à la société de consommation du début des années 60 en RFA, tout en participant malgré eux à l'amnésie collective sur l'engagement volontaire ou forcé de leurs parents dans le parti.
C'est tout l'enjeu du film : ce jeune procureur, une fois avisé des crimes commis dans les camps par des mecs finalement très ordinaires, se met à voir des nazis partout, y compris parmi ses amis de la même génération qui s'obstinent à faire comme si rien ne s'était passé. Comment dès lors instruire objectivement les coupables en justice ? Comment réparer l'ampleur des meurtres ?
Seul contre tous, face au mensonge et au déni collectif, à la mauvaise fois d'une administration autrefois complice, soutenu heureusement par son patron, par un gradé américain qui lui ouvre les archives, par un journaliste au passé trouble, par le président d'une association de survivants et par quelques rares collègues zélés, son parcours vers la lumière, la nuance, le pardon, et la justice, bien que prévisible, fait vraiment plaisir à voir. Et en plus il y a quelques jolis personnages de femmes.
Sur le même sujet, je vous recommande la bande dessinée Dora.