Je m’appelle Johann. Je suis né en 1930.
J’ai trente ans. J’en avais quinze en 1945.
Un jour amer, mon père au doux visage, en Russie, est tombé.
J’ai vu des cités détruites, des armées refluer, un monde s’embraser.
Sur ordre, j’ai servi une batterie de flak,
La capitulation m’épargna l’Hitlerjugen.
L’après-guerre fut âpre, fort difficile.
J’ai vu, par étapes, reconstruire ma ville.
J’ai étudié droits, devoirs et éthique.
Je suis procureur de la République.
D’Auschwitz, j‘ignorais tout.
Comme, semble-t-il, vous tous !
Pour la paix civile, Adenauer nous enjoignit d’oublier,
De tout pardonner, pour mieux consommer.
Tueurs, survivants, témoins plus ou moins lointains,
Tous, vous vous taisiez. Mutiques vous demeuriez.
J’ai ouï l’inaudible plainte du rescapé.
J’ai enquêté, perquisitionné, interrogé.
Le loup habitera-t-il au côté de l’agneau !
La tuerie restera-t-elle à jamais impunie ?
Charité n’est pas compromission ou silence.
Le pardon exige réparation et repentance.
Aux ordres, vous avez obéi.
Sur ordre, SS et kapos ont failli.
J’ai rassemblé les preuves.
J’accuse les SS de meurtres.
Innombrables.
Innommables.
Que le juste ne s’embarrasse,
Justice et paix s'embrassent.