J'ai appris tout récemment que Diao Yi'nan, le réalisateur chinois du Lac aux oies sauvages, était également derrière l'excellent Black Coal, thriller policier cryogénique dans lequel on suivait un ex-inspecteur esseulé qui cherchait à résoudre l'énigme d'un serial-killer sévissant dans la campagne mandchoue.


Le Lac aux oies sauvages prend le contrepied de ce film et nous fait suivre la cavale incessante d'un chef de gang qui se retrouve poursuivi pour le meurtre d'un policier après un règlement de compte entre bandes rivales. Dans une ambiance étouffante qui suinte l'humidité et la chaleur irrespirable par tous les pores, le film alterne dialogues prétextes à des flashbacks, scènes contemplatives et scènes d'action, dans un style violent voire sanguinolent. En résulte un maelström d'idées cinématographiques, qui font osciller la photographie du film entre thriller hongkongais des années 80 et peinture sociale, volontiers critique, de la Chine rurale contemporaine (déjà perceptible dans Black Coal).


L'action du film se déroule près du Lac aux oies sauvages, "enclave" dans l'urbanisation d'une campagne chinoise où tout rapport social semble être déconstruit, heurté, sinon disparu, occasionnant de ce fait l'impression chez le spectateur que le protagoniste est comme un étranger, un alien qui ne peut que traverser sans s'arrêter ruelles sombres et restaurants miteux ouverts jusqu'à pas d'heure. La police paraît dépassée par un milieu des gangs et de la nuit que ses moyens de recherche conventionnels ne paraissent pas atteindre, voire comprendre. La cavale du héros n'est en fait rien d'autre qu'une cavale contre lui-même, son reflet étant incarné par la prostituée docile et déboussolée qui lui sert de complice comme de fossoyeuse.


Si la photographie du film impressionne par sa qualité et la créativité des plans qui sont proposés, on regrettera néanmoins un scénario trop convenu et quelques longueurs au milieu du film, accentuées par un manque global de lisibilité du récit. Le Lac n'en reste pas moins une expérience contemplative et sonore comme l'on en voit trop rarement dans le cinéma actuel, et que le cinéma chinois contemporain est toujours prompt à proposer, avec l'aide d'acteurs convaincants, quoiqu'un peu trop forcés par moments au mutisme.

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le 26 janv. 2020

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