Le précédent film de Diao Yinan, « Black Coal », avait eu l’Ours d’or à Berlin en 2014. Récompense quelque peu exagérée tant ce film était neurasthénique et prétentieux en se rêvant comme le renouveau du film policier chinois. Mais si on s’y ennuyait copieusement, il laissait déjà présager des talents de metteur en scène du cinéaste. Celui-ci revient cinq ans plus tard avec un nouvel opus qui s’apparente plus au polar, un genre voisin du film policier, puisqu’il met en vedette tout un tas de gangsters et de marginaux. Présenté en compétition au Festival de Cannes cette année et revenu bredouille de la Croisette, il aurait pourtant pu prétendre aux côtés de Tarantino et d’autres à remporter le Prix de la mise en scène plutôt que les frères Dardenne pour « Le jeune Ahmed ». Ceci mis à part, « Le Lac aux oies sauvages » est un film visuellement sublime, aux atours hypnotiques, dont l’esthétique joue pour beaucoup dans la réussite.
En effet, c’est le genre d’œuvre stylisée à l’extrême (et qui a du style) dont on se doute que le réalisateur aime à se regarder filmer. Cela paraît encore un peu trop prétentieux, on peut en effet et encore une fois trouver Diao Yinan trop conscient de la propre excellence visuelle de son long-métrage. Mais quand c’est beau il faut le dire et cette fois ça fonctionne complètement, il nous cueille complètement avec ce nouveau film. Les images font d’ailleurs parfois penser au « In the Mood for love » de Wong Kar-Wai en mode contemporain et flashy. Les plans sont savamment travaillés, il sait découper ses séquences de manière méticuleuse et justifiée comme lors de ce combat dans un immeuble ou de celui dans la cave d’un hôtel, sommets de mise en scène. Et les environs de son lac, rarement montré, sont mis en avant de la plus belle des manières et donnent au film son cachet si original. La faune humaine bigarrée et les décors très étranges de cette zone de non-droit, comme la qualifient la police, sont particulièrement mis en avant et donnent à « Le Lac aux oies sauvages » une âme singulière, une atmosphère envoûtante et un aspect unique en son genre.
Il y a bon nombre de plans ou de séquences qui feront date et qui excitent la pupille du spectateur avide de belles images sans que cela fasse sombrer cette œuvre dans un aspect trop clip. On se souviendra longtemps de cette décapitation à scooter ou de ce bandit tué au parapluie, des fulgurances de violences certes esthétisée mais magnifiques que ne renieraient pas Tarantino ou un certain cinéma coréen qui serait cependant peut-être plus énervé. Mais il y a aussi des séquences presque oniriques au détour d’un simple plan à l’image de cette chorégraphie des policiers infiltrés avec leur baskets fluos qui clignotent sur « Raspoutine » de Boney M. Le cinéaste a le sens du détail et filme comme un chorégraphe des images de toute beauté qui flattent le regard. Malheureusement, il y quelques errements au niveau du scénario et de la psychologie des personnages. Si l’intrigue est relativement claire et que les allers et retours dans le temps entretiennent le mystère, il y a un manque de clarté flagrant dans les motivations des personnages et leurs déplacements qui peuvent rendre tout cela parfois opaque. Le réalisateur semble tout miser sur la forme au point d’en oublier parfois le fond relégué semble-t-il au second plan. Mais « Le Lac aux oies sauvages » est un tel plaisir pour les yeux que l’on ne s’en offusquera pas jusqu’à cette belle conclusion féministe.
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