Un vaudeville médiéval au casting 5 étoiles, que ce soit au niveau des personnages historiques représentés que des acteurs mythiques qui les incarnent. Ce huis clos de château fort avec ses dialogues majuscules et son sujet Shakespearien trahit ses origines théâtrales, y compris lors des rares duels à l'épée dont la chorégraphie factice tombe dans la grandiloquence involontaire. Malgré cette sensation de "théâtre filmé" le film tire savamment parti du fabuleux matériau de base dont il dispose en sachant laisser s'exprimer et flamboyer la prose mordante de la pièce de théâtre d'origine. Les dialogues excellents donnent lieu à des joutes verbales d'un machiavélisme délicieux surtout quand s'y mêlent des références historiques piquantes au détour d'une phrase, tout ça servi avec une gourmandise perceptible par les acteurs.
Pour son premier rôle au cinéma Thimothy Dalton excelle dans l'exercice, il campe un jeune Philippe Auguste plein de fiel derrière ses atours respectables et se pose en arbitre de la confrontation en remplissant la fonction avec jubilation. Anthony Hopkins, qu'on n'est plus habitué à voir jeune, joue un Richard coeur de lion tout en puissance que le scénario s'est amusé à rendre bien moins beau que l'idéal chevaleresque qu'il incarne dans l'imaginaire collectif jusqu'à en faire presque une brute épaisse à sa maman. Concernant Katharine Hepburn dont la prestation lui a valu un Oscar je suis néanmoins plus réservé, à peine reconnaissable derrière sa burka médiévale d'où émerge un visage botoxé et continuellement innondé par son jeu lacrymal qui en devient agaçant.
Les joutes verbales permanentes imposent un rythme infernal au film jusqu'à rendre certains passages psychologiquement ereintants, on arrive au dernier round complètement lessivé mais reconnaissant envers la virtuosité du débat proposé. Le point d'orgue étant la scène dans la chambre du roi de France qui tire allégrement vers le vaudeville en conjugant à merveille la comédie à la tragédie. Cet art de varier les tons en passant de la fausse joie à la cruauté la plus violente et tout ça dans la même réplique confère à chaque scène une intensité extrême qui va toujours crescendo, les temps morts ne durent que quelques secondes tout au plus avant que la discorde ne revienne au triple galop.
Seuls les personnages du prince Jean, caricaturé en ado attardé, et la princesse Adèle, trop monocorde en concubine soumise, sont un cran en dessous dans cette galerie de portraits baroque. Les deux jouent cependant les faire-valoir efficacement en mettant les autres protagonistes un peu plus en lumière à travers ce contraste de personnalités. Le couple royal domine néanmoins la mêlée et s'avère être le vrai personnage principal du film, se livrant une lutte politico-sentimentale terrible en n'hésitant pas à manipuler leurs enfants pour parvenir à leurs fins. L'humeur changeante des personnages, leurs motivations cachées et leurs mensonges perpétuels entraîne une confusion et un inconfort chez le spectateur qui ne sait plus à qui se fier et n'a de choix que de se résigner à admirer ce flou artistique génial où se mêlent les sentiments les plus contradictoires.