Il y a des soirs où des pépites méconnues nous claquent la figure. Ce soir là, j'ai regardé Le Roi de Coeur, et le Lion et le Vent, deux films qui questionnent, de manières différentes, la folie des hommes et leurs instincts guerriers. Mais cette critique s'adresse au Lion et au Vent.
Tout d'abord ce film prévaut pour son avant-gardisme. John Milius, qui a scénarisé Apocalypse Now, n'ignore rien de l'interventionnisme et de la soif d'expansion de la soi-disante Amérique. Ce film, dans une critique détournée des guerres dans lesquelles se sont empêtrés les Etats-Unis (Corée, puis Viêt Nam), prophétise les guerres de l'Oncle Sam au Moyen-Orient contre le terrorisme. Un Zero Dark Thirty avant l'heure, qui remet les pendules à l'heure sur la posture des USA dans leur guerre.
Ici, notre terrorisTe est le chef berbère Al-Raisuli le Magnifique, qui enlève, en 1904, une femme américaine et ses deux enfants, pour faire pression contre le pouvoir marocain en place, qui a vendu son pays aux colons français, allemands, et britannique. Alors une rivalité transatlantique se met en lien entre notre berbère/écossais (car joué par le magnifique, immense, barbu Sean Connery) et un Theodore Roosevelt. Le miroir de cette guerre à distance met en relief les différences : Teddy intervient au Maroc pour être réélu, Al-Raisuli pour la liberté de son peuple. Al-Raisuli est pieux, et on peut imaginer que pour le Teddy, c'est une posture. Alors, forcément, Teddy, qui rêve de gloire, et qui ne peut passer ses envies de conquêtes que sur les ours, envie la liberté du sauvage. Car Al-Raisuli est un héros baroque.
Que dire d'autre. Ce film aurait pu être un chef d'oeuvre. L'interprétation parfois bancale de Candice Bergen ne parvient presque pas à desservir un personnage féminin fort et courageux, doué d'initiatives. Le traitement du fils kidnappé, qui voit dans le chef berbère, un père de subsitution, et qui s'ensauvage, plus la troupe s'enfonce dans le désert. Enfin, le film est traversé par des plans extraordinaires, notamment cette charge à cheval finale, et ces plans entre mer et désert.
Mais le plus grand mérite de ce film est de nous mettre en empathie avec l'ennemi. Al-Raisuli est un chef guerrier, possiblement un terroriste, et si on l'envisage dans le prisme contemporain, un islamiste. Mais au final, il est le héros de cet histoire, et questionne le bien-fondé des guerres et des crimes, sur la fin et les moyens, sur la paix et la liberté. Et à ce compte-là, l'ennemi n'est pas celui que l'on croit, et il n'est pas le sauveur du monde pour lequel il veut apparaître.