Le Livre de Jérémie par Neil
Force est de constater que j'ai de plus en plus de mal à regarder ce genre de films très très durs à encaisser (ce sont pourtant mes préférés habituellement pour diverses raisons), ça me fait extrêmement mal. Mais alors quand le personnage principal est un gosse, c'est encore pire. Surtout que toute la force du film repose en fait sur le sous-entendu et je ne m'attendais pas à ça, je m'attendais à des images beaucoup plus lourdes mais non juste des sons, un visage, un gros plan sur un regard, ce genre de choses, suffisent. Et c'est encore pire comme le dit Argento elle-même dans l'interview du dvd.
Au niveau des personnages, c'est brillamment interprété : Asia est monstrueuse et les acteurs gosses sont formidables, et c'est encore pire là aussi. En fait je ne peux pas m'empêcher de me demander comment, dans ce genre de film où l'innocence d'un enfant vole en fumée de bien des manières, le réalisateur arrive à faire jouer avec tant de réalisme les scènes à l'acteur enfant alors qu'il ne sait pas ce qu'il joue réellement. Et à la fois, je me demande comment ces acteurs tout jeunes qui grandissent un jour forcément, vont réagir en voyant le film plus tard, en comprenant ce qu'ils ont joué. A chaque fois que je vois ce genre de film, ces questions me turlupinent.
Bref, pour en revenir au film en lui-même, ce qui m'a beaucoup marqué c'est ce contraste entre les deux mondes de Jeremiah, d'un côté le monde totalement débauché de sa mère à coup de prostitution, drogues, alcools et de l'autre, le monde catholique extrémiste de ses grands parents à coup de châtiments corporels et de lavage de cerveau. Et on se rend compte à la confrontation de ces deux réalités entre lesquelles le gosse est forcé de balancer qu'ils ne sont pas si éloignés l'un de l'autre, les "raisons" sont différentes, l'apparat est opposé mais ce qu'il en reste pour Jeremiah, au final, c'est la souffrance dans les deux cas, le vol de son innocence, de sa joie, de son enfance en somme. Et c'est ça le plus dur je trouve, cette incapacité à déterminer lequel sera le plus dur pour lui.
Et puis aussi ces questions sur l'identité de l'enfant sans cesse reposées, entre la relation absolument étouffante, écrasante qu'il entretient avec sa mère basée sur cette amour-haine totalement malsain mais aussi sur son identité sexuelle (travestissement de Jeremiah en fille, qui se veut être le clone de la mère).
Sur le plan esthétique, c'est à la fois horrible et très poétique d'une certaine façon puisqu'on est plongé dans l'histoire même d'un gosse vu par ses propres yeux, avec tout l'imaginaire de l'enfance qui va avec. Et le montage rend les événements encore plus chaotiques, flous, décousus qu'ils ne le sont dans les faits.
Je me suis renseigné sur l'auteur du livre original, et là encore, ça m'a l'air très intéressant. J'aimerais bien me procurer le livre, histoire de voir comment avec des mots, toute l'intensité de ce récit peut bien être retranscrite.