Le 15 Décembre 1966, le monde est en deuil. Walt Disney décède des suites d'un cancer du poumon, laissant derrière lui un gigantesque empire toujours en marche. Un bon nombre de productions cinématographiques doit encore sortir et sans leur créateur, les Studios se retrouvent dans une situation problématique.
Et le dernier film d'animation a voir été fait sous l'empreinte du Papa de Mickey est Le Livre de la Jungle.
Malgré son détachement vis-à-vis de son département d'animation durant les années 1950 et 1960, Walt Disney a totalement repris en main le projet d'adaptation du livre de Rudyard Kipling après avoir considéré que le premier script n'était pas à la hauteur et surtout bien trop sombre.
Il considère que le film doit être plus léger et familial et va donc devenir la tête pensante du dessin animé. Chose exceptionnelle qui n'était plus arrivé depuis des années. La première fois depuis longtemps que L'Oncle Walt s'investira autant dans un Classique animé sera malheureusement la dernière.
La volonté de Walt Disney est donc très claire: Partir sur une adaptation finalement plutôt libre et plus classique. Le film va jusqu'à reprendre le même style d'animation que ses prédécesseurs Les 101 Dalmatiens et Merlin L'Enchanteur tout en améliorant leur technique.
Les crayonnés sont bien plus appliqués, les décors de la Jungle correspondent parfaitement au ton du film (le film fera le choix curieux de tous les montrer dès le générique de début) et les animations des animaux, en particulier Bagheera et Shere Khan, sont irréprochables.
Pourtant, il faut souligner le fait que Le Livre de la Jungle va être le déclencheur d'une sale habitude que vont prendre les Studios avec leurs films suivants. Le recyclage de vieilles séquences animées. Si on observe de très près, la troupe des éléphants reprend plusieurs animations du très sympathique court-métrage Goliath II, la scène où Mowgli se fait lécher par les loups est identique à celle dans Merlin L'Enchanteur où Arthur (Moustique?) se fait accueillir par ses chiens et la biche épiée par Shere Khan n'est nul autre que la mère de Bambi!
C'est vraiment dommage de voir ces quelques signes de presque-fainéantise car Le Livre de la Jungle est tout sauf fainéant dans son ensemble.
À commencer par sa bande-originale. Compositeur habitué des Studios Disney que ça soit les dessins animés ou pour les films Live, George Bruns nous livre une de ses meilleures partitions chez la boîte aux grandes oreilles, surtout grâce au thème principal qui diffère tellement du reste de la BO par son aspect peu rassurant et presque dangereux qu'il reste immédiatement en tête.
Que dire alors des chansons des Frères Sherman, toutes très rythmées, jazzy et parmi les plus entraînantes du duo. On ne se lasse pas d'écouter Il en faut peu pour être heureux.
L'intrigue suit un parcours très linéaire, Mowgli allant de péripétie en péripétie sans qu'il n'y ait de gros chamboulement dans l'histoire. Il faudra attendre les 5 dernières minutes après le climax pour qu'une chose toute simple décide de lui faire quitter la Jungle: L'amour.
Le reste n'est qu'une succession de rencontres mais toujours faite avec beaucoup de soin. Quand le petit d'homme a de bons contacts avec les animaux, c'est pour le pousser à quitter la Jungle. Quand il rencontre d'autres espèces l'incitant à rester, c'est soit pour l'exploiter (Le Roi Louie) soit pour le tuer (Kaa).
Le film a la très bonne idée de ne jamais faire dire à Mowgli ce qu'il pense à voix haute, le spectateur n'a aucun mal à comprendre sa tristesse quand il en vient à fuir sur les terres arides, le garçon comprenant que ce n'est pas sa maison mais s'efforçant à vouloir rester.
Tous les personnages qu'il rencontrera sont hauts en couleur extrêmement marquants, allant du sinistre Shere Khan au joyeux optimiste Baloo. Même les plus secondaires comme les éléphants, géniale parodie des militaires, ou les vautours, caricature amusante des Beatles, sont mémorables.
Vendu comme le dernier Classique d'animation a avoir été produit par L'Oncle Walt, Le Livre de la Jungle sera bien entendu un carton mondial. Il n'aura aucun mal à atteindre le statut de film culte, étant un film plus simple d'accès que d'autres Classiques du Premier ou du début de Deuxième Âge d'Or.
Mais même s'il n'est pas le plus abouti des films du studio, Le Livre de la Jungle nous rappelle une dernière fois ce que nous aimions tant chez les Classiques de l'Oncle Walt: Leur sincérité et leur magie, qui survivront au fil du temps.