Pour nous parler de cinéma, Michel Gondry fait de Marc (Pierre Niney) son double en train de tenter de finir un film en tant que réalisateur. Une comédie réussie, fraiche et réjouissante
Jeune cinéaste inspiré, Marc croit si fort en son génie qu’il a réussi à convaincre une maison de production dont les bureaux sont situés non loin de l’Arc de triomphe à Paris. Le souci, c’est qu’à la vision de ce qu’il peut présenter, l’équipe de production le désavoue complètement. De plus, Mathias (Vincent Elbaz) qui s’est beaucoup investi dans le projet, en profite pour lâcher Marc. Résultat, le réalisateur décide d’activer son plan B. En quatrième vitesse, il alerte ses fidèles pour embarquer tout son matériel dans une voiture et filer vers un village des Cévennes où sa tante Denise va héberger l’équipe dans la grande maison (nombreuses chambres) où elle vit paisiblement.
Marc et sa tante
Pour Marc, sa tante Denise est la personne qu’il aime le plus au monde, ce qui d’ailleurs est réciproque. Logiquement, Denise sent immédiatement que Marc n’est pas dans son état normal. Devant elle, il reconnaît qu’il se sent « triste le matin et manipulé l’après-midi » et que pour tenir le coup, il prend des médicaments. Elle lui tire la promesse d’arrêter (progressivement) de s’en gaver. Et si Marc ne peut rien refuser à Denise, là aussi c’est réciproque. Ainsi Denise accepte d’héberger Marc et son équipe pour une durée indéterminée. Avec Marc, arrivent donc Charlotte (Blanche Gardin) sa monteuse, Sylvia (Frankie Wallach) son assistante et Carlos (Mourad Boudaoud) le technicien que Marc cherche à évincer car il tousse régulièrement de manière franchement maladive. Marc déborde d’idées et même de futurs projets, mais il a visiblement du mal à boucler le film en cours.
Marc et ses lubies
Parmi les plus notables, on citera celle du camiontage qu’il offre à Charlotte pour se faire pardonner un de ses caprices. Autant dire que ce gentil cadeau (rigolo) fait surtout gadget, bien dans le style de ce qu’adore Michel Gondry. Quant aux excuses de Marc, ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, car Marc n’en fait qu’à sa tête, même dans son état normal. Sa manie, c’est de réveiller Sylvia à deux heures du matin parce qu’il a une idée qu’il redoute d’avoir oubliée le lendemain au réveil. Sylvia doit lui trouver tout ce dont il a besoin le plus rapidement possible : un studio d’enregistrement pour la bande-son par exemple. D’ailleurs, Marc n’a pas froid aux yeux, car il souhaite ni plus ni moins que la collaboration d’une célébrité planétaire. Et il y croit dur comme fer…
Marc et le livre des solutions
Le livre des solutions du titre est un volume aux pages blanches que Marc conservait dans un tiroir depuis longtemps sans y avoir encore rien inscrit. Pris d’une inspiration, il considère que c’est le bon moment pour l’inaugurer. Ainsi, il y écrit progressivement les principes de base devant guider son comportement et son attitude générale. Le côté amusant, c’est qu’il s’agit de préceptes si simples à énoncer qu’ils relèvent quasiment de la méthode Coué. L’un d’eux est « On apprend en faisant » qu’il applique au domaine musical. En effet, Marc se met en tête de tout faire dans son film, y compris composer la musique alors qu’il n’y connaît rien ! Il faut le voir se démener pour obtenir la direction de l’orchestre déniché par Sylvia au pied levé et faire comprendre aux musiciens ce qu’il attend d’eux. Un des très bons moments de ce film (présenté à la Quinzaine des cinéastes du festival de Cannes 2023) et d’autant plus hilarant qu’on sent la confiance entre le réalisateur et son acteur. C’est ce qui permet à Pierre Niney de se lâcher complètement sous l’œil amusé d’un Michel Gondry satisfait de voir comment l’acteur se glisse dans ce rôle avec délectation. L’aspect bricoleur avec des bouts de ficelles qu’on connaît et apprécie chez Michel Gondry fait ici merveille.
Marc et les femmes
Sans les femmes, Marc n’arriverait à rien. Il faut dire que le film qu’il veut terminer l’obsède sans relâche. A tel point qu’il ne comprend pas que les autres aient besoin de se reposer, de dormir la nuit. En fait, il affiche une telle conviction qu’il en devient irrésistible. Si Denise le soutient sans réserve, Marc voit bien qu’il peut compter sur le soutien indéfectible de Charlotte et de Sylvia qui poursuivent le travail sur le film même quand, épuisées, elles décident de retourner à Paris.
Et ce n’est pas tout, car Marc se met en tête de rencontrer Gabrielle (Camille Rutherford) dont il tombe amoureux alors même qu’il sait qu’elle plait à bien d’autres que lui, entre autres à cause de sa cicatrice (ou tâche de naissance) sur la joue droite. Bizarrement, on observe alors un des rares points faibles du film car, selon mes impressions, la complicité entre Pierre Niney et Camille Rutherford ne passe pas vraiment à l’écran.
Marc et son film
Du film que Marc cherche à terminer, autant dire que nous ne verrons quasiment rien, à part une scène où un personnage erre dans des rues en appelant désespérément une certaine Martine. Ceci dit, cela correspond également à la situation de Marc qui ne découvrira enfin son film qu’à la première en public. L’ouverture montre un personnage poursuivi dans une rue par un rat plus gros que lui, rappelant le goût de Michel Gondry pour le jeu sur les tailles grâce à la superposition des images. Un intermède sous forme d’animation loufoque comme il adore agrémente également le film.
Des solutions qui fonctionnent !
L’entente entre Pierre Niney et Michel Gondry fonctionne tellement bien qu’on en oublie un peu le film qu’on regarde pour se concentrer sur celui de Marc. C’est dire la réussite du Livre des solutions où Michel Gondry se permet d’intégrer de nombreux passages commentés en voix off, alors qu’on sait qu’en principe il ne faut pas en abuser. Le minutage raisonnable (bien plus que les 4h07 du film de Marc dans sa version de travail) limite considérablement les temps faibles et le scénario permet de bien caractériser chacun des personnages principaux. L’analyse permet de sentir qu’il y a beaucoup de travail sur ce film, aussi bien pour le scénario que pour les repérages, cadrages et accessoires, ainsi que pour les sons et la musique (signée Etienne Charry). Michel Gondry démontre brillamment qu’on peut encore faire un film de qualité sans moyens excessifs. Choisir Françoise Lebrun pour interpréter Denise (la mère Denis ?) constitue un clin d’œil à La maman et la putain fait également avec de tout petits moyens.
Critique parue initialement sur LeMagduCiné