Si Michel Gondry a construit sa filmographie autour d'un rapport personnel à l'imaginaire et à la créativité, voir ce dernier revenir à ses thèmes de prédilection accompagnées d'une soif primaire de cinéma artisanal voire même amateur après ses portes ouvertes à Hollywood et à la grosse production française semble réjouissant d'autant que Le Livre des solutions pousse son intention jusqu'à une introspection totale de sa propre histoire et de ses propres expériences de cinéaste.
L'autoportrait est donc ce qui compose le cœur du film où l'interprétation de Pierre Niney - incarnant une figure décalée de Gondry - porte un spectacle à l'énergie déchaînée (touchant presque au registre du burlesque) où réside également et paradoxalement un drame intime et doux qui embrasse au travers d'un quasi huis-clos les tornades d'énergies créatives incontrôlables de son protagoniste. Loin de sublimer sa propre histoire, l'évocation des maladies mentales, les conséquences liées à l'arrêt d'un traitement médical et les phases asphyxiantes de la post-production d'un film ne sont pas pour autant dotées d'un surplus indigeste car toujours appuyées par un hommage envers l'immense soutien d'une équipe agissant dans l'ombre par croyance au talent et par amour.
Gondry ne fait jamais de son protagoniste un artiste tout-puissant mais s'amuse au contraire à confirmer son désordre mental afin de constamment le confronter à son incapacité à contrôler une inventivité foisonnante. Une confrontation qui - bien qu'elle paraisse longue dans son étalage par l'immobilisme du récit et les baisses de rythme - semble nécessaire pour ne jamais le complaire dans ses comportements les plus extrêmes bien que cela lui permette aussi d'en ressortir des moments d'abstraction étonnants où notamment par un simple début de mélodie ou un lâcher-prise corporel, ce dernier parvient à le transformer d'un insupportable mégalomane à un fascinant chef d'orchestre improvisé.
Derrière le pari risqué d'une identification au caractère de son protagoniste ou au nombrilisme qui peut se dégager de l'exercice, Le Livre des solutions réussit l'essentiel de son pari dans un ensemble parfois difficile à suivre mais joyeusement foutraque.