Certains parlaient d'un Martin Scorsese sur le déclin. D'autres disaient qu'il allait se brûler les ailes avec ce sujet si épineux qu'est le monde de la finance. Peut-être qu'il le savait. C'est pour ça qu'il en a tiré autre chose, quelque chose de grand.
A travers le parcours très (très !) mouvementé de Jordan Belfort, camé, sex-addict, et qui aime l'argent plus qu'autre chose, il va s'attaquer à l'humain, mais surtout aux Etats-Unis, et en particulier ce doux rêve qu'est "l'american way of life" ou "American Dream", si vous préférez. Et faire taire les mauvaises langues.
Mon titre me semble être assez évocateur, mais je le tire du film, plus précisément, ce sont les paroles de Jonah Hill (la NSA, si vous me lisez, je balance pas, j'informe). Il lâche cette phrase en pissant dans une poubelle dans laquelle il vient de jeter une injonction du FBI (nique le système !!). Et cette action, avec cette phrase... Ca m'a ouvert les yeux. Le film n'est pas un film sur la finance, il est une dénonciation du système américain. Celui du rêve américain, celui qui raconte qu'on peut devenir riche en partant de rien aux Etats-Unis. Le film casse le mythe plus fort et plus violemment que n'importe quel autre film sur le même thème. Car même au plus fort de sa richesse et de son pouvoir, l'être humain reste une bête, un con fini qui vit dans la déchéance et l'anarchie la plus totale.
Et Scorsese est un maître quand il s'agit de filmer la déchéance humaine. Pas la peine de vous citer Taxi Driver, Raging Bull ou encore les Nerfs à Vifs, je pense que vous voyez où je veux en venir. Ici, il place sa caméra, notamment lors d'une séquence tout simplement hallucinante, qui implique une Lamborghini blanche et une perte de la parole, pour témoigner des effets néfastes des drogues dures. Peut-être que c'est exagéré, je n'en sais rien, mais ça fait mal. Ca peut amener le sourire pendant un instant, mais quand j'y repense ça me fait plus froid dans le dos qu'autre chose...
Mais ce qui fait réellement froid dans le dos, ce sont ces scènes, dans les bureaux de l'entreprise de Belfort. Surnaturelles, Scorsese nous place dans un monde différent, un monde qui nous est totalement inconnu, celui de l'excès. Et quand je dis l'excès, je suis gentil. Plus, plus et toujours plus, tel est le maître mot de l'histoire. C'est une folie qui ne semble jamais s'arrêter et les orgies se succèdent à l'écran. Et quand je dis "les orgies", je pèse mes mots. Rien à voir avec les semblants de folies de The Bling Ring, ici on est dans le méga trash. genre orgie générale dans un avion. C'est pas commun et ça rassure pas forcément le spectateur, mais ça contribue fortement au propos du film.
Mais le film ne serait pas ce qu'il est sans deux ingrédients qui le rendent encore plus incroyable : une mise en scène imparable et une direction d'acteurs exceptionnelle.
La mise en scène de Scorsese est géniale. Ses mouvements de caméra sont fluides, son cadre est propre, et bordel, ses changements d'énonciation sont juste jouissifs ! Le montage est vraiment intéressant, notamment dans son rapport étroit avec la narration, avec laquelle il s'accorde à merveille pendant trois heures de trip phénoménal. Et si vous n'êtes pas convaincu, jetez un oeil à cette dernière scène et on en reparle après ok ? Parce que c'est juste grand, c'est intelligent et c'est tellement bien mis en oeuvre. Il prouve, si c'était encore à prouver qu'il est l'un des tous meilleurs, si ce n'est le meilleur metteur en scène à l'heure actuelle.
Et il y a les acteurs. DiCaprio en chef de meute. Le titre porte très très bien son nom, car les acteurs sont comme une meute de loups qu'on a affamé pendants des semaines, et qu'on lâche en pleine forêt. DiCaprio est une attraction à lui seul, il est d'une puissance, d'une précision et d'un réalisme criant. Une interprétation majuscule pour un rôle qui méritait bien ce traitement. Et puis il y a les autres. Jonah Hill m'a fait halluciné, McConaughey n’apparaît pas longtemps, et c'est bien dommage. Et le reste du casting se donne corps et âmes (enfin, surtout corps...) dans leurs rôles respectifs.
The Wolf of Wall Street est un film violent, trash, plongé dans l'excès. Mais il reste avant tout, et surtout une nouvelle preuve du génie de metteur en scène d'un réalisateur hors pair. Scorsese est grand et beaucoup de réalisateurs contemporains, portés aux nues par toute une génération, devraient s'inspirer et apprendre de personnalités telles que lui, figures emblématiques du cinéma, qui font preuve d'une telle maîtrise quand il s'agit de raconter une histoire.
Car même sans être son plus grand film (et loin de là), The Wolf of Wall Street n'en reste pas moins une oeuvre d'art, un bijou d'humour et de folie, plongé dans l'excès. Un diamant poli par les mains d'un maître.