Passé le fait de dire que les acteurs sont excellents, Margot Robbie mise à part qui est juste bonne ('achement bonne), il reste les yeux pleins d'émoi de retrouver un bon Scorsese. Pourtant, depuis Gangs of New-York, Scorsese avait cessé de m'éblouir. Les derniers à m'avoir plu étaient A Tombeau Ouvert et Casino. J'ai boudé Aviator, et vomi Shutter Island mais je ne m'étais pas départie de l'espoir d'un jour nouveau dans la collaboration Di Caprio-Scorsese. Le Loup de Wall Street est un des Scorsese les plus drôles. Certes, on n'a pas non plus l'habitude de se taper sur les cuisses à longueur de séance à chacun de ses films, mais tout de même. On pourra ajouter Le Loup de Wall Street aux listes de films sur la drogue, tant la coke et les quaaludes sont abondamment décrits dans leurs effets. A ce titre, la performance de Di Caprio fait parfois penser à celle de Johnny Deep dans La Vegas Parano (Gilliam, 1998). On trouve aussi des accents et mimiques de Jim Carrey dans les grimaces de Di Caprio, lorsqu'il harangue son équipe de courtiers.
Le Loup de Wall Street est un grand film jouissif, on s'amuse beaucoup, et on a l'impression que Scorsese s'est fait plaisir. Les trois heures du film passent trop vite, on aurait pu sans peine en voir davantage. La narration en voix-off, les adresses directes, regard caméra, marquent une connivence, non pas avec Jordan Belfort mais entre Scorsese et le spectateur. Le Loup de Wall Street est aussi l'occasion de vérifier le tournant très intéressant que semble prendre, ces dernières années, la carrière de Matthew McConaughey. Il y fait une apparition courte, mais très étonnante en début de film, et sa prestation m'a fait penser qu'en d'autres temps ce rôle aurait pu être endossé par un acteur de la trempe de Christopher Walken, telle celle que ce dernier offre à True Romance (Tony Scott, 1993). McConaughey est de plus en plus étonnant dans les rôles qu'il endossent, particulièrement dans Killer Joe (FriedKin, 2011) et, dans un style très différent, dans Magic Mike (Soderbergh, 2012). Scorsese fait apparaître aussi Johanna Lumley (Chapeau melon et bottes de cuir, Absolutely Fabulous) en très british Tante Emma.
Faut-il le comparer aux Affranchis? Difficile de ne pas. Je ne suis pas particulièrement fan des films de Gangsters, mais j'aime les Affranchis et j'aime tellement Martin Scorsese que je suis allée voir le dernier Luc Besson, Mala Vita, dont il était le co-producteur. C'est vrai que la construction du film et quelques clins d’œil font penser aux Affranchis. Il y a une réelle ressemblance physique, par exemple, entre Teresa Petrillo (Cristin Milioti) et Karen Hill (Lorraine Bracco), accentuée par les costumes années 80 ; mais c'est surtout par la présence de cet épilogue, finalement très amer, et peut-être davantage encore dans Le Loup de Wall Street. Rares étaient ceux qui, je pense, à la fin des Affranchis, souhaitaient devenir un Henry Hill, un gros "plouc" finalement repenti. L'épilogue du Loup de Wall Street est la démonstration qu'une foule de crétins docile aspire à devenir Jordan Belfort, et que le capitalisme est finalement plus retors que la pègre, puisqu'il arrive à rentabiliser la chute même de ses héros.
Enfin, dire que Le Loup de Wall Street est dangereux et misogyne (propos de Christina McDowell, victime de Jordan Belfort, dans sa lettre ouverte à Di Caprio et Scorsese) est irréfléchi. Misogyne? Parce que la plupart des femmes présentes sont connes et/ou à poil (sauf la bonne)? Big fucking deal, tous les hommes sont cons et/ou défoncés (sauf le flic)! Est-il dangereux? A vous de voir.