De la jouissance masochiste
« Le Loup de Wall Street » est un film de camé.
Une aiguille cinématographique pénètre lentement la veine du spectateur. Les effets ne se font pas attendre, d’hallucination en hallucination, Martin Scorsese distille sur le grand écran un univers de fête, de drogue et de sexe, le spectateur acquiert doucement le privilège de s’immiscer dans le monde parallèle des courtiers.
Un tableau du pouvoir et de ses enfantements, voici l’esquisse réalisée.
C’est alors que les images lancent, à gros bouillons de couleurs criardes, le spectacle.
De péripéties en péripéties, il s’agit de boire jusqu’à la lie l’obscénité d’une jouissance débridée.
Entre le plaisir et le dégoût, le choix s’avère cornélien. Pourtant, les injections s’accélèrent, se font plus fortes et l’écœurement se dilue dans une bonne dose d’humour et par le tempérament de feu de l’acteur Leonardo DiCaprio.
Comment ne pas se laisser emporter au sein de ce tourbillon de folie ?
La montée en adrénaline est rapide, la descente l’est tout autant. La loi et la trahison arrêtent en plein vol ce véritable carnaval de Rio.
Les masques tombent et il ne reste plus que l’humain et ses faiblesses, les carcasses d’un yacht, d’un jet privé et d’une vie dévastés.
Cette Divine Comédie semblerait légère si elle n’était pas tant imprégnée de réalisme, si l’actualité ne résonnait pas aussi fort aux oreilles de chacun.
Wall Street est un univers fermé, détesté tout autant qu’envié. Mais là où frappe peut-être le plus justement ce film, c’est en nous, Martin Scorsese a construit un miroir capable de refléter crûment nos plus bas instincts, nos folies rêvées les plus secrètes.
A la sortie de la salle, il y a certainement du dégoût, et surement une admiration inavouable, vis-à-vis des personnages du « Loup de Wall Street », mais il y a peut-être plus secrètement une certaine peur, celle d’être un des leurs, celle d’être au fond un peu semblable à ces camés.
« Le Loup de Wall Street » s’incarne comme un film créateur de contradiction, un film à aimer et à détester, un Sodome et Gomorrhe dédié aux amateurs masochistes de cinéma.