Le Loup de Wall Street par Cinemaniaque
Rentrons dans le vif du sujet dès le départ : oui, le film est trop long (comme les derniers films du cinéaste) et non, je ne suis pas du tout objectif quand on parle de Scorsese. Mais quand même, bon dieu, quel film !
Je ne m'attarderai pas sur une virtuosité incroyable de la part d'un cinéaste qui a su évoluer avec son temps, se réinventer (prédominance des effets spéciaux numériques depuis Gangs of New York) sans pour autant sacrifier son âme artistique sur l'autel des exigences de studio. Je dirai juste que maintenir un tel rythme, une telle maestria, imposer une oeuvre de 3h avec, certes, des moments de mou mais avec une fougue que devrait au moins imiter 90% des cinéastes contemporains, cela mérite déjà le respect.
Et puis il y a DiCaprio qui excelle dans l'outrancier, qui parvient à rendre un surjeu crédible et jouissif avec ses grimaces, ses hurlements, ses excès et son way of life qui, secrètement, fait quand même un peu rêver. Rendre admirable un personnage détestable est une prouesse trop sous-estimée aujourd'hui, dont peu d'acteurs sont capables. Comme parler de la bourse sans être chiant : Oliver Stone s'y est cassé les dents, JC Chandor reste trop méconnu, mais surtout Scorsese a l'intelligence de résumer le genre en quelques mots : "l'important est : est-ce légal ? Absolument pas !". On se fout pas mal d'entendre des termes incompréhensibles, des ficelles inaccessibles pour le commun des mortels : Scorsese fustige, à sa façon, sans être manichéen, les dérives d'un système autogéré, babylonien jusqu'au trognon. Ce n'est pas subtil parce que le milieu ne l'est pas, loin des zones d'ombre de la mafia que Scorsese a déjà mis en avant ; Wall Street jouit parce qu'elle est bien visible par le mode entier et que personne ne peut rien y faire.
Et puis il y a, derrière tout cela, la plume de Terrence Winter qui est né pour travailler avec Scorsese, tragédien dans l'âme, tissant des liens ambigus à souhait entre ses personnages, apôtre du schéma biblique cher à Scorsese (gloire-chute-rédemption) et as de la vulgarisation et du vulgaire distingué, alternant moments de tension et blagues un peu trash sans problème.
Wolf of Wall Street n'est pas une banale oeuvre à charge contre le monde de la finance : c'est un nouveau souffle dans la carrière de Scorsese qui n'a pourtant plus rien à prouver, c'est une leçon de cinéma certes imparfaite mais tellement lyrique qu'on n'en sort que grandi. Pas un chef-d'oeuvre, non, pas loin en tout cas, mais un divertissement de très haut vol.