Que dire de ce nouveau film d'Honoré ?
Outre le fait qu'il révèle un acteur (Paul Kircher) incroyable, mais vous l'avez déjà vu partout, "Le lycéen" chamboule tout. Côté technique, la force du film, tient, je crois, en la qualité du montage. Le film n'est pas si long (2h02) mais on le reçoit comme s'il était interminable. Attention, si cet adjectif est souvent péjoratif, il ne l'est pas du tout dans ce cas précis. Car devant nous s'étend une fresque infinie, c'est bien normal, on regarde l'âme de Lucas, et c'est un vaste gouffre. J'ai eu l'impression d'être des heures dans mon fauteuil, et j'ai adoré ça. Je n'ai fait que pleurer, alternant larmes de tristesse et larmes de joie. Parce que rien ne sonne faux. La musique est belle à mourir, alternant entre un piano hypnotisant et des chansons électrisantes. Les acteurs aussi, outre Paul Kircher, sont d'une exigence rare avec eux-mêmes. Christophe Honoré aborde également avec brio les dysfonctionnements des fratries, cette sorte de grande cruauté qui lie les frères et sœurs et qui fait souvent aussi mal qu'elle fait du bien, lorsqu'elle se transforme en tendresse.
Lucas a 17 ans, c'est cet âge bien précis où l'on veut tout découvrir, vite, sans attendre. Et puisque pour découvrir on croit qu'il faut tester, alors on teste, on renifle, on mange les corps, on veut se faire mal, on se cogne aux autres et à soi-même. Et puis cette découverte du corps toute en catastrophe et fracas, forcément, entraîne celle de l'âme, qui elle, s'opère dans le silence : on a là une première binarité, entre les cris et le silence absolu. Lucas se retrouve donc dans cette double découverte, que la mort du père déclenche car elle vient dire au jeune homme : "regarde, tout peut s'arrêter demain, alors vas-y, pars à l'aventure", et Lucas s'exécute, avide de ces territoires inconnus. "Le lycéen" est l'histoire d'une découverte trop rapide, trop inflammable. Et Honoré réussit ce pari dangereux car souvent trop manichéen de montrer la connexion de l'âme et du corps à travers les déambulations de son héros. Spiritualité et corporalité, religion et sexe, amour et haine, Honoré met en scène tous ces paradoxes qui finalement, sont complémentaires, sans tomber dans une binarité ronflante.
Deux fois bravo.