"Le Magnifique" est un film que j'ai vu de nombreuses fois à la télé ou en DVD mais, contrairement à bien des gens y compris dans mon entourage, j'ai toujours eu un peu de mal à adhérer complètement.
Délicate affaire !
Je reconnais qu'au départ, il y a certainement une bonne idée. L'écrivain, François Merlin, cantonné aux romans dits de gare qu'il écrit au kilomètre, qui se reconnait dans son héros, Bob Saint-Clar, mélange de James Bond, Hubert Bonnisseur de la Bath et probablement bien d'autres héros de la littérature d'espionnage. Puis, on comprend vite qu'en fait il y a une deuxième histoire dans l'histoire car l'élément féminin des romans, la superbe et séductrice Tatiana, ressemble beaucoup à sa voisine du dessus, Christine, dont il est secrètement amoureux.
On peut dire que le film comporte deux parties que j'ai trouvées inégales.
La première est purement dans le domaine du fantasme. Au départ d'ailleurs on est carrément en plein dans l'aventure rocambolesque jusqu'à ce plan - bien vu - où la bagarre fait rage sur la plage. Soudain une bonne femme est en train de passer l'aspirateur sur la plage au milieu des méchants agresseurs. On découvre alors que ces images n'étaient que l'illustration du livre que l'écrivain écrit et que celui-ci vient de rejoindre la vraie vie. On comprend aussi que l'écrivain introduit dans son roman tous ses problèmes domestiques qui l'agacent : le plombier, l'électricien qui refusent de faire les réparations de ses sanitaires, l'éditeur qui lui refuse une avance. D'ailleurs l'éditeur prête ses traits au grand méchant ennemi, le colonel Karpov, sinistre albanais qui a des allures du numéro 1 de SMERSH ou du SPECTRE avec son matou.
La deuxième est nettement plus dans la réalité car François Merlin rencontre enfin Christine. Mais rien ne se passe comme prévu dans le roman même si Christine dévore ses livres.
"oui mais vous n'êtes pas Bob Saint-Clar" rétorque Christine aux timides avances de François Merlin
L'idée que je perçois chez de Broca est d'évoluer vers quelque chose de prévisible, c'est qu'il n'y a pas besoin d'être Bob Saint-Clar pour séduire Christine. La direction semble claire mais le chemin pour y parvenir un peu tortueux, il faut bien dire.
Il y a un peu comme des trous d'air dans le scénario, de la panne d'imagination, du syndrome de la feuille blanche. Il y a des scènes burlesques notamment celles avec les militaires ou avec l'ambulance en parallèle avec les scènes réelles avec l'éditeur qui ne me semblent pas du tout pertinentes et qui cassent le film par sa lisibilité moindre. Ce n'est même pas drôle. Volonté de faire la satire de certains milieux branchés parisiens ? Pourquoi faire ? N'est-ce pas un peu hors sujet ?
Cöté casting, le double personnage antagoniste de Belmondo est plutôt réussi et joué avec talent.
Le personnage joué par Jacqueline Bisset est aussi très réussi entre une "plastique" parfaite et un brin sexy et un rôle sincère ; dans les scènes burlesques que je critiquais tantôt, il y a juste un plan magnifique (le seul d'ailleurs) où on voit Jacqueline Bisset recouverte de boue avec un regard de clown triste ... Là encore il y avait de l'idée mais qui n'aboutit pas.
Au final, "le Magnifique" est un film assez inégal parti sur une bonne idée au départ et qui a tendance à s'enliser sur la fin. On rit volontiers dans la première partie très convaincante, on sourit peu dans la deuxième pour ne pas dire qu'on s'y ennuie un peu.
Malgré tout, le film possède de jolies scènes bien réalisées sur une musique de Claude Bolling tout-à-fait adaptée.