Le Rodéo bebelien
Mon début d'expérience sur la carrière de Bebel, je la tiens de mon père. Désireux de me faire connaître autre chose que les daubes habituelles que je regarde ( hormis les films de la Hammer, petite précision de passage par là ), il m'a donc lancé le défi de me faire un petit marathon sur les meilleurs films de Belmondo.
Défi relevé, je m'en suis fait six ( ou quelque chose comme ça ), en un week-end. C'était carrément fendard. Et c'est qu'il a bien flairé son coup, le vieux renard; choisissant les films que je devais voir comme si le destin de la Terre en patirait, si les dits films n'étaient pas bons. résultat? Du pur régal.
J'ai pris mon pied comme un gosse, comme si j'étais retombé en enfance; j'étais comme Charlie devant la chocolaterie, Oliver Twist devant une montagne de monnaie; en gros, j'avais des étoiles à la place des yeux, découvrant une constellation humoristique d'un genre nouveau pour moi, mais ancien pour le cinéma, presque daté pour ce dernier, mais à tel point moderne à mes yeux que le coup de foudre fut instantanné. Pire qu'avec Odin. Et je déconne pas.
Cependant, du lot de métrages visionnés, il y en avait un qui se démarquait tout particulièrement des autres, qui trouvait son originalité dans un hommage débridé au cinéma d'espionnage, et tellement véridique qu'il en devenait directement attachant, à la limite du touchant. Et puis sérieux, c'est tellement drôle que j'en ai eu les larmes aux yeux.
L'humour tout assumé de Bebel
Loin de moi l'idée de dire que les comédies de l'époque étaient mieux avant, mais c'est qu'elles étaient foutrement meilleures, avant. Maintenant, on a des trucs sans aucune portée politique que celle de servir l'état, des comédies populaires et politiquement correctes, des trucs sans intérêt d'un point de vue cinématographique. Non seulement c'est vide, mais en plus c'est moche, lourdingue, vulgaire.
Vous n'êtes pas convaincu par ce que j'avance? Prenez "Baby-Sitting" ( à tout hasard ). Non, soyons encore plus fou : prenez "Les nouvelles aventures d'Aladdin", ou je ne sais plus trop quel était son titre. Et là, prenez une comédie de choix de l'époque ( ou n'importe laquelle, même ), et vous verrez la différence.
Tout ça pour dire que "Le magnifique", c'est quand même quelque chose, niveau humour, et que le truc n'a clairement rien à envier à ce qui se fait aujourd'hui. Mieux, même, ce sont les films récents qui devraient s'en inspirer. D'une incroyable finesse, les mecs en charge du film nous livrent une oeuvre maligne et astucieuse, forte d'une mise en scène qui appuie son humour et sa légèreté, rendant, aussi étrange que cela puisse paraître, des scènes d'action à tel point idiotes qu'elles recèlent une grande intensité.
Le Gatsby français, mais version James Bond
Ensuite, la plus grande qualité du film s'avère être, à mon sens, son écriture, tout bonnement prodigieuse. Non seulement c'est drôle, mais en plus c'est fin, habile, intelligent, tellement bon que c'en devient directement réjouissant. Au départ, les mecs nous font croire que l'on se troue devant un vrai nanar, le genre de pastiche de James Bond complètement stupide, mais tellement drôle qu'il en devient intéressant.
Seulement, il n'en n'est rien, et même si certains gags renvoient étrangement aux OSS de Dujardin ( hum hum ), la parodie du James bond de Connery ne dure qu'au début. Et justement, tout l'intérêt du film est là : il joue avec nous, avec notre esprit, nous surprend, brise les codes du genre et les choses qu'on en attend. En bref, il nous manipule complètement.
Les scénaristes sont excellents; jouant finement avec les ruptures de ton, ils multiplient les références et les brisages de 4ème mur. Le gouffre qu'il existe entre le roman et la réalité sont extrêmement bien pensés, et d'une intelligence rare, aussi vrai que la mise en abîme est vertigineuse, au point de chuter dans les abysses de la meilleure des imaginations.
Les idées géniales se multiplient ( la panne des "r", les sautes d'humeur de Bebel, ... ), et l'acteur principal, soit Bebel, lui même prodigieux, est complètement déchaîné, fournissant une sacrée énergie au film, le rendant, dès lors, unique et pétillant. "Le Magnifique" fut donc un régal, une entrée parfaite dans l'art "Bebelien". Cherchez pas, le terme n'existe pas, et n'existera sûrement jamais autre part que chez moi. Que voulez-vous, on a tous nos expressions ...