"It's the only picture I've ever made that I'm ashamed of. Don't see it"
C'est pris dans le livre de Elia Kazan "Une vie"...
Eh bien, Monsieur Kazan, je suis désolé de vous contredire car j'aime beaucoup votre film.
En fait, quand on décrypte un peu, si j'ai bien compris, tout ceci serait dû à des désaccords sur les lieux de tournage entre le producteur et le réalisateur qui voulait un tournage en décors naturels.


Mais honnêtement, ce point, qui aurait été sûrement mieux, je le reconnais, ne me parait pas être l'essentiel du film.


Le western "Le Maître de la prairie" démarre en 1880 après une période où une première vague de pionniers s'était emparée des vastes prairies des plateaux de l'ouest qui s'étendent jusqu'aux Rocheuses pour y élever du bétail en nombre et sans contraintes. En gros, c'est plus ou moins dit, aux dépens des populations indiennes qui occupaient ces prairies…
A partir des années 1880, une deuxième vague de pionniers vient s'installer pour y faire de la culture avec les inévitables bagarres contre les barbelés et les fermiers qu'on sait.
Quand on commence à regarder ce western, on croit deviner que le sujet sera la bataille éleveurs contre fermiers.
En fait, cela ne restera qu'un élément du contexte car rapidement le western va se focaliser sur la belle histoire d'un couple sur une période d'une vingtaine d'années. Un éleveur Jim Brewton (Spencer Tracy) épouse une femme de la ville, Lutie (Katherine Hepburn) pas vraiment préparée à se retrouver seule au milieu "d'une mer d'herbe". Même si tout le monde l'adore. Pour des raisons que je ne veux pas dévoiler, et pour faire très court et donc inexact, Lutie connait un bref moment d'égarement qu'elle regrette amèrement et quitte Jim et les deux enfants. Bien qu'au fond, ils ne cessent de s'aimer, leur fierté et leur culpabilité les empêchent de se retrouver. Jusqu'au moment où...
C'est donc un western mélodramatique. Et je rajouterais bien : magnifique.


Spencer Tracy joue le rôle d'un personnage entier, sûr de lui, propriétaire et passionnément amoureux de ses prairies, peu conciliant, maladroit et au fond timide.
Ah, la belle scène où Lutie trouve un piano dans le salon du ranch sous le regard plein d'attente de Jim !
C'est assez curieux de voir un western vu à travers ce qu'on pourrait appeler "un méchant" puisqu'il n'a guère de compassion face aux fermiers et est quand même parfois plutôt border line.
Et puis, je suis un peu partial car j'adore vraiment beaucoup cet acteur. Et là, il excelle en rancher têtu qui ne vit que pour son ranch et qui n'est pas sans rappeler Gabin dans "la horse".


Katherine Hepburn joue le rôle de l'épouse dont le personnage est tout aussi entier, altruiste, profondément conciliant. Sa présence illuminait le ranch. Son faux-pas la condamne d'abord à ses propres yeux. Son départ est vécu par tout le monde comme une catastrophe. "C'est comme si une lumière s'était éteinte au ranch"

Il faut reconnaître que Kazan a bien réussi les portraits de Katherine Hepburn et en fait un très beau personnage, très émouvant.


Parmi les seconds rôles, il y a deux acteurs excellents qu'il est évident de mentionner car ils contribuent fortement à l'émotion dans le western…
Le cuisinier du ranch, un espèce de malotru mal dégrossi et qui ne veut surtout pas que la nouvelle épouse de Jim vienne fourrer son nez dans la cuisine et sa tambouille. Après cinq minutes où Lutie comprend la coupure et le bonhomme, il tombera d'un bloc sous son charme. C'est Edgar Buchanan, un vétéran du western.
Le médecin "Doc" qui adore à la fois Jim, Katherine et les deux enfants et qui se désole de leur séparation ; il apporte l'humanisme à ce monde de brutes et contribuera sur son lit de mort à décoincer Spencer Tracy : c'est aussi un vétéran du western, Harry Carey.


Oui, je confirme bien, "le maître de la prairie" est un grand western méconnu (presque par la faute de son propre metteur en scène) ; pour les amateurs du genre, on y trouve les ingrédients nécessaires à savoir les bagarres, les chevauchées, les grands espaces, les coups de fusil à dose raisonnable...
Mais surtout les acteurs Spencer Tracy et Katherine Hepburn y sont inoubliables.

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Westerns, Les meilleurs films de 1947 et Films Terroir

Créée

le 10 déc. 2021

Critique lue 130 fois

8 j'aime

5 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 130 fois

8
5

D'autres avis sur Le Maître de la prairie

Le Maître de la prairie
USEFOOL
6

Ah qu'ils sont dérangeants...

Les moeurs des anciens temps... Je pensais voir un film facile, un western champêtre plein de bons sentiments, j'ai été éconduit, comme Hepburn et Tracy dans le film. Pas de déception cependant, mais...

le 6 mai 2013

12 j'aime

Le Maître de la prairie
JeanG55
8

The Sea of Grass

"It's the only picture I've ever made that I'm ashamed of. Don't see it" C'est pris dans le livre de Elia Kazan "Une vie"... Eh bien, Monsieur Kazan, je suis désolé de vous contredire car j'aime...

le 10 déc. 2021

8 j'aime

5

Le Maître de la prairie
Ryce753
5

Critique de Ryce753

Ce film, au relent quelque peu écologique, est pas mauvais mais je l'ai trouvé, par moment, terriblement ennuyeux. A cause d'une histoire qui manque un peu d'entrain et peut-être aussi des acteurs...

le 12 févr. 2015

1 j'aime

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

25 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

25 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

24 j'aime

19