Aube d’orée
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le 14 avr. 2024
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Il existe parfois des films qui vous propulsent dans une nouvelle sphère d'approche du cinéma, vous marquant à jamais de leur empreinte. "Le Mal N'existe pas" fait indéniablement partie de ces œuvres qui vous captivent au point de vous empêcher de vous tourner vers autres choses durant plusieurs jours, de part les nombreux questionnements socio-politiques, mais aussi métaphysiques, qu'il autorise : le rapport de l'homme à la nature, le conflit entre rural et citadin, la place de la femme dans la dynamique historique des sociétés (soulignée par le rôle prépondérant de l'assistante du designer du projet), ainsi que les liens de solidarité au sein des communautés et plus globalement sur la violence.
Une des ces interrogations persiste , quant à l'intention d'Hamaguchi concernant sa vision profonde du capitalisme et de son inexorable expansion. Si certains pourraient interpréter ce film comme un message réactionnaire, suggérant la supériorité morale des sociétés pré-capitalistes où la rationalité financière ne prédomine pas, je reste dubitatif à ce sujet. Hamaguchi est un réalisateur qui explore sans relâche la dualité entre idéalisme et matérialité, comme il l'a brillamment illustré dans "ASAKO", dépeignant la construction de la vie amoureuse d'une femme confrontée à sa réalité symbolique sous le joug de son premier amour idéalisé qu'elle conserve comme fantasme. C'est par le même registre et les mêmes mécanismes esthétiques qu'Hamaguchi, dans "Le Mal N'existe pas", façonne une représentation de la lutte des classes entre l'idéal de vie des habitants et la réalité de la violence matérielle qui imprègne un territoire où les ressources, notamment en eau, s'amenuisent progressivement. L'allégorie habilement utilisée avec le cerf offre une perspective lumineuse pour comprendre les mécanismes ayant mené à la tentative d'assassinat sur le citadin : le cerf n'attaque pas les hommes tant qu'il ne les connaît pas. C'est en apprenant à cohabiter avec eux qu'il devient paradoxalement agressif.
Certes, une vision pessimiste de l'avenir transparaît dans l'œuvre d'Hamaguchi, où les hommes se déchireront pour la préservation de leur environnement. Pourtant, des signes d'espoir jalonnent le film, que ce soit à travers la magnificence d'un plan sur le mont Fuji ou le regard contemplatif d'une femme face au coucher de soleil alors qu'une jeune fille reste portée disparue, révélant la beauté du monde et la capacité de l'art à la fois à saisir les conflits et à apaiser les âmes par la splendeur qu'il véhicule.
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Créée
le 22 avr. 2024
Modifiée
le 22 avr. 2024
Critique lue 37 fois
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