"Le mal n'existe pas" évoque irrésistiblement "Les Vraies Richesses", l'œuvre de Jean Giono … La nature, les animaux sauvages et la place de l’être humain dans cet ensemble. La dénonciation de la vanité de la vie citadine, de l’argent en opposition avec la célébration du soleil, de la terre, des montagnes, des cours d’eau… Il s’en dégage d’ailleurs une impression similaire de nostalgie du « Paradis perdu » ou sous la menace d’être définitivement perdu. Cependant, une différence essentielle réside dans le cadre japonais de cette histoire, narrée par un citoyen de ce pays dont la culture reste pour l'Occident à la fois fascinante et insaisissable…
Après un début très classique faisant craindre un récit un peu fade, la narration prend une autre voie puis bifurque de nouveau nous laissant désorientés en nous obligeant à sortir de notre « zone de confort » du « déjà vu ». D’ailleurs, la fin, marquée du sceau subtil mais implacable de la désespérance, révèle la virtuosité du réalisateur quant à brouiller les pistes, à les effacer au fur et à mesure ou à les faire réapparaître inopinément. Le principe de la peinture minimaliste chinoise ou japonaise est ici porté à l’incandescence avec le jeu de la brume qui rend, soit fantomatiques ou bien hyperréalistes, aussi bien les personnages que les paysages.
Le personnage principal n'est pas sans évoquer le "héros du quotidien" du récent film de Win Wenders, "Perfect Days". Parcimonieux en paroles, menant une existence en apparence simple et routinière, mais non dénué lui-même de zones d'ombre...
Une grande œuvre cinématographique portant un regard sombre, mais lucide, sur ce qu’est devenu notre monde aux prises avec l’argent et le profit tandis que notre lien avec la « nature-mère » se distend de plus en plus. Cette déconnexion croissante vis-à-vis des "vraies richesses" qui se délitent sous nos yeux semble nous laisser indifférents, anesthésiés que nous sommes par le confort matériel devenu l'ultime gage de bonheur...