Le Marginal n’a, à dire vrai, rien d’un marginal puisqu’il correspond trait pour trait au héros solitaire et bagarreur qu’interprète Belmondo depuis déjà plusieurs années et qu’attendent les spectateurs, en témoigne le succès au box-office français. Cette prétendue marginalité, explicitée par les supérieurs du policier, s’observe de prime abord dans le cadre nocturne d’une patrouille du côté de Pigalle et des salles de spectacle, ses bars à strip-tease, ses devantures illuminées des plus suspectes : leur flânerie désabusée et taiseuse en dit long sur un passé qui rejaillira par bribes, sur une amitié qui se pleurera sans larmes, sur un métier qui ne fait plus rêver les enfants. La brutalité de la scène des toilettes raccorde ce microcosme à sa violence intrinsèque, annonce une traque punitive qui adviendra, certes, mais avec lenteur et stéréotypes ; car une fois le récit installé se figent des personnages que la caméra scrute dans leurs rapports de pouvoir sinon de domination, tout en veillant à construire une filiation sans émois avec le filleul de l’ancien collègue tombé – ça reste des bonhommes ! Le refus de conférer profondeur et enjeux à l’antagoniste principal le réduit à un avatar du Mal, être cruel qui prend plaisir à s’acharner sur ses victimes, sans pour autant situer Philippe Jordan dans cette axiologie : tendrait-il vers le Bien ? oscillerait-il entre les deux rives ? Jacques Deray ne trouve jamais l’équilibre entre la rugosité de ton et la symbolique de son propos, livre un polar aussi inégal et peu inspiré que la partition d’Ennio Morricone.

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