Marco Ferreri est l'un des réalisateurs italiens qui a croqué son époque et ses compatriotes avec le plus d'acuité et d'acidité. En plus d'être des charges en règle contre les hypocrisies sociétales de son époque (et notamment un anticléricalisme féroce), ses films sont des analyses au vitriol du mâle italien dans ce qu'il a de plus caricatural, veule, lâche et avide. Avec cette histoire d'un petit impresario napolitain sans envergure qui fait mine de s'enticher d'une femme à barbe dans l'unique but d'en tirer un maximum de profit, on atteint un tel comble de cynisme, que le spectateur en arrive à éprouver une gêne réelle devant tant d'opportunisme. Annie Girardot totalement grimée et Ugo Tognazzi survolté campent un couple improbable dont la relation est bâtie sur la manipulation, le mensonge et la crédulité innocente. La charge est féroce, c'est un chef-d'oeuvre de comédie grotesque, amère et cruelle. On comprend que ce métrage ait eu des soucis avec la censure tant on y assiste à un florilège de méchancetés et de cruauté morale, encouragées par ce vernis hypocrite qui se voulait être la bonne conscience de l'époque.
Le combo DVD/blu-ray proposé par l'éditeur français Tamasa nous offre une édition à l'image parfaitement restaurée. Parmi les suppléments présents, on y découvre avec stupéfaction les différentes fins qui ont été tournées et proposées à divers époques (en France et en Italie), qui laissent deviner l'ampleur des déboires qu'a rencontré le métrage avec cette censure qui - le plus souvent - reflète la mentalité d'une époque et d'une société qui ne supportaient visiblement pas que l'on chatouille la "bonne morale" et le patriarcat véhiculé par les valeurs catholiques.
Une édition parfaite pour un film que les amateurs de comédie italienne se doivent de posséder ou découvrir.
A voir pour : l'insistance d'Annie Girardot durant la première nuit de noces et la réaction de Tognazzi ; le strip-tease à la "parisienne" ; Tognazzi qui imite l'explorateur-colonialiste jusqu'à la caricature ; le cinéma italien regorge de ces fins où la cruauté submerge personnages et spectateurs : nous en avons ici l'exemple ULTIME !