Léon est l'homme à tout faire du comédien et metteur en scène star du théâtre français Boris Lassef.Secrétaire,comptable,assistant,valet,garde du corps ou rabatteur de gonzesses,il consacre sa vie à ce patron qu'il vénère.Complices depuis vingt ans,ils ne peuvent se passer l'un de l'autre,vivant dans une interdépendance absolue.Du moins jusqu'à ce que Nadège,la très jeune belle-soeur de Léon,ne débarque avec la ferme intention de devenir l'épouse de Boris et de se débarrasser de son entourage.Jean-Pierre Mocky a commis pas mal de films bizarroïdes mais celui-ci fait fort dans le genre.Il s'agit de l'adaptation d'un best-seller de Frédéric Dard,publié chez Fleuve Noir sous le nom de San-Antonio alors que le célèbre commissaire en est totalement absent,que personne ne voulait adapter au cinéma car il est peu adaptable et que tous les acteurs de renom de l'époque refusaient de s'y commettre en raison de l'ambigüité du sujet,l'homosexualité étant encore tabou en ce temps-là.C'est finalement Mocky qui s'y est collé,le projet tombant illico dans une échelle économique réduite.Comme d'hab JPM multiplie les postes afin que ça coûte moins cher,assurant la réalisation,le scénario,la production,le montage et le rôle principal.Il est entouré de sa vieille garde,le chef-op Edmond Richard qui signe une de ces images ternes et tristes dont il est coutumier,et le musicien Vladimir Cosma,dont la ritournelle ringarde et désuète cadre finalement bien avec l'atmosphère du film.Il faut savoir que Dard,qui cosigne le script avec Mocky,s'est inspiré pour le personnage de Boris de Robert Hossein,avec qui il a beaucoup travaillé en tant que scénariste-dialoguiste.Evidemment,il a selon son habitude énormément extrapolé et en a profité pour exprimer sa misanthropie ironique à travers cette histoire cruelle donnant un aperçu glaçant de l'humanité,hommes et femmes confondus,avec un humour cynique peu soucieux de politiquement correct.Le télescopage avec la fibre anarcho-dingo de JPM donne une oeuvre inclassable,le film n'a d'ailleurs connu aucun succès,qui serait probablement interdite aujourd'hui tant le sexisme le plus cru y est exprimé avec vigueur.Les répliques sans filtre de Dard cartonnent méchamment et ont de quoi faire défaillir toute la coterie woke.Mais ne voir le film que sous cet angle serait réducteur car les mecs,ici le duo Boris-Léon,sont dépeints carrément comme des monstres.Leur relation est de nature clairement homosexuelle concernant l'employé,tellement son dévouement à son maître est visiblement guidé par une passion amoureuse,même si physiquement tous deux sont résolument hétéros.Léon n'aime pas les hommes,il aime Boris.Et nonobstant le fait qu'ils ne couchent pas ensemble,il se comporte en parfaite petite épouse,allant jusqu'à se taper les conquêtes de la vedette afin de se rapprocher encore plus de lui.En ce qui concerne Boris,c'est plus utilitaire.Le gars est obsédé par son art et ça l'arrange d'avoir une personne aussi corvéable que Léon pour lui éviter de gérer les contingences du quotidien.Il est en outre tellement habitué à ce camarade toujours là pour le soutenir,l'aider et le flatter que leur tandem fonctionne parfaitement,d'autant qu'ils se rejoignent dans le mépris absolu des femmes,qu'ils traitent avec désinvolture et brutalité,leur présence n'étant tolérable que dans le cadre des satisfactions sexuelles.Mais les filles ne sont pas épargnées dans cette histoire qui pointe les incroyables effets de la notoriété,de la gloire et de l'argent.Toutes les nanas sont aux pieds de Boris et prêtes à accepter n'importe quoi en raison de sa célébrité et de son talent.Les scènes ignobles jalonnées de dialogues gratinés se succèdent ainsi sans faiblir,du traitement atroce que Léon inflige à son épouse transformée en légume par un accident ou à sa belle-mère encore baisable à un plan à trois avec une agent immobilière désireuse de vendre,en passant par une jeune comédienne humiliée par Lassef et acceptant de baiser avec lui pour garder son job ou une journaliste qui éponge les deux loustics l'un après l'autre en compensation d'une interview du Maître.Il y a aussi la bande de fans hystéros qui guettent la star à la sortie du théâtre et surtout l'admiratrice ultime,la jeune Nadège,vipère manipulatrice qui ira jusqu'au chantage et au meurtre afin de prendre la place de Léon auprès de Boris.Cette joyeuse farandole d'un pessimisme noir dénonce avec virulence les ravages de la starisation,de l'égocentrisme et de la folie amoureuse,toute relation étant régie par des rapports de force utilisés sans le moindre scrupule.Pas sûr que Hossein ait apprécié ce tableau pour le moins désobligeant fait de sa personne mais il ne l'a pas trop dit,flatté sans doute qu'un auteur aussi coté que San-Antonio le prenne pour sujet d'un de ses livres.Mocky le comédien est pour une fois très bon et s'immerge radicalement dans la peau de Boris,ses envolées loufoques,ses colères brusques,ses doutes secrets et son obsession sexuelle s'accordant idéalement au personnage.Serge Riaboukine,humoriste révélé dans les années 80 par l'émission télé "La classe",fait une entrée fracassante dans le monde du ciné en interprétant Léon avec une faconde et une puissance renversantes.Heureusement que ce duo vedette fait merveille car le reste de la distribution est à la peine et regorge d'acteurs à la carrière météorique.Hormis les traditionnelles gueules à faire peur inséparables de l'oeuvre du cinéaste,on voit une Dora Doll vieillie et bouffie qui en fait des caisses en gouvernante à accent russe forcé et ridicule ou une Laura Grandt qui était alors la compagne de JP et dont la carrière se résume à cinq films dirigés par lui,celui-ci étant l'avant-dernier de la liste.Elle est très belle mais ne sait pas jouer,éternellement à côté de la diction,et son rôle préfigure son avenir puisqu'elle joue l'épouse larguée de Boris.La jeune première Brigitte Hansen est complètement hors circuit,c'est d'ailleurs son premier et dernier film.C'était aussi les débuts ciné d'une Hélène de Fougerolles de vingt ans,mais elle par contre fera carrière bien qu'elle soit ici mauvaise comme une cochonne.Il y a toutefois des satisfactions,notamment une Pascale Roberts frémissante en belle-doche super chaude qui a de beaux restes et deux comédiennes quasiment disparues après ça.Violaine Küss fait gravement monter la tension en marchande de maisons super salope mais on ne la reverra plus sur un écran.Elle est toutefois dans la pièce "Je m'appelle Marie-Antoinette",montée en cette même année 93 par .....Robert Hossein!Quant à Isabelle Slo,elle impressionne dans la peau de Simone l'épouse paralytique et muette de Léon,parvenant à exprimer la terrible détresse de cette femme débranchée de la vie et pas épargnée par un mari infâme.Elle ne réapparaîtra pourtant que dans un téléfilm érotique de 2002 intitulé "Missions de charme".Des permanents du Mocky Circus surgissent ça et là,tels le repris de justice Roger Knobelspiess,François Toumarkine,Georges Lucas,Christophe Bier et Christian Chauvaud.Nadia Vasil,autre Mocky's girl,et François Brossard effectuent un numéro de tarés de grand style en incarnant les époux Lecoq,industriels des nouilles et mécènes de Boris.A propos de sponsors,plusieurs sont mis en avant mais le champagne Charles de Cazanove,plusieurs fois cité dans les dialogues,se détache du lot.