Le film est tiré d'un roman de GYP, romancière de la fin du XIX, dont je prends le malin plaisir d'écrire le vrai nom soit donc Sybille Riquetti de Mirabeau, comtesse Roger de Martel de Janville, pour faire semblant d'être très savant. Sur Wikipédia, en creusant, j'apprends aussi que cette dame tenait salon tous les dimanches à Neuilly où tout le monde artistique se pressait et était, cerise sur le gâteau !, violemment antidreyfusarde et violemment antisémite. Bref, du beau linge. On n'insistera peut-être pas.
Pour revenir au film d'Autant-Lara, il a été réalisé en 1941 en pleine Occupation et raconte l'apprentissage de la vie d'une jeune fille de 16 ans, Corysande surnommée Chiffon, un peu déboussolée et pas à sa place dans le haute société. Elle est secrètement amoureuse depuis sa plus tendre enfance de son oncle (par alliance ! Oh là, là, je vous vois venir), Marc de Bray, qui est un inventeur génial en matière d'aéroplanes mais ruiné. Une idylle un peu inavouable.
Survient un colonel, fringant mais quand même un peu chenu, duc d'Aubières, grand séducteur, qui a un coup de foudre pour ce jeune tendron et qui a toute la faveur des parents de Chiffon, comme de bien entendu. Mais, par élégance et par délicatesse, il s'effacera au profit de l'oncle (par alliance).
J'ai lu des critiques qui tentaient de réhabiliter le scénario de Jean Aurenches sous forme d'allégorie. Chiffon serait la France (occupée et martyrisée), le colonel serait Pétain symbolisant l'Ordre et l'oncle , inventeur génial mais ruiné, serait la Liberté et la Résistance, tournée vers les USA où il compte développer ses inventions.
J'avoue que c'est tentant de voir les choses de cette façon. Et au fond, pourquoi pas.
D'autant que l'huissier de justice qui vient saisir les biens de l'oncle, bourrelé de remords va se débrouiller pour lui trouver un mécène, le sauvant ainsi de la ruine.
Parlons plutôt du casting :
C'est une gracieuse et pétulante Odette Joyeux qui joue le rôle de Chiffon. Mais c'est surtout le rôle du colonel qui est tenu par l'élégant et racé André Luguet, décidément toujours excellent acteur (Battements de cœur avec Danielle Darrieux).
Parmi les seconds rôles, on note surtout la présence Pierre Larquey dans un excellent valet, protecteur compréhensif et solidaire des frasques d'Odette Joyeux.
Mais Louis Seigner préoccupé par ses moustaches ou encore un tout jeune Bernard Blier en serveur, Raymond Bussières en meccano bougon tirent aussi leur épingle du jeu.