Enfin un film américain des années 50 que je peux louer sans me parjurer ! Il faut faire l'impasse sur les plans trop longs et les effets datés, bien sûr, mais c'est le cahier des charges. Reste Joan Crawford, que j'avais trouvée figée dans Johnny Guitar, et qui fait ici la démonstration d'un savoir faire bien plus vaste que ce que j'avais imaginé. En femme de tête au début, dans la séquence au théâtre, en femme rongée par le remords ensuite, puis follement amoureuse, avant de céder à la panique puis de récupérer ses moyens pour échapper à l'engrenage mortifère que son charmant mari a mis en place pour se débarrasser d'elle. A en croire le cinéma de l'époque, il était courant d'expédier son conjoint ad patres pour tout un tas de raisons aussi faiblardes les unes que les autres... Ici, l'appât du gain. Dans le rôle de l'inquiétant Janus, Jack Palance, athlétique et anguleux à souhait. Le rythme s'emballe progressivement avant une délirante poursuite finale et un dénouement hautement moral... hé oui, les codes Hays régissaient encore la production hollywoodienne, jusque dans la représentation des chambres à coucher, pourtant centrale dans cette histoire mortifère. A vrai dire, elle a tout le charme d'un roman de Patricia Highsmith, avec ses personnages à la psychologie tortueuse et ses complots machiavéliques. Le noir et blanc est propice aux contrastes significatifs, le réalisateur en use avec talent, et je suis revenue au début du film après le premier visionnage pour voir comment se mettait savamment en place le dénouement dramatique dès les premières images... bref, de quoi se mettre sous la dent cinéphilique.