Nouvelle incursion dans la filmographie de John Ford, grand cinéaste du western, avec Le Massacre de Fort Apache, une de ses grandes œuvres sur l’ouest américain.
Après la diligence de La Chevauchée fantastique (1939) et la ville de Tombstone de La Poursuite infernale (1946), John Ford choisit cette fois un fort militaire, Fort Apache, comme cadre pour développer cette nouvelle intrigue. Un cadre militaire, avec tous ces soldats et officiers et, surtout, le lieutenant-colonel Owen Thursday, personnage autoritaire et inflexible qui se retrouve missionné pour prendre le commandement de ce fort reculé. Il y découvre une organisation avec laquelle il entre rapidement en contradiction. Officier de la haute société, très attaché aux valeur militaires, il doit diriger des officiers et des soldats bien plus décontractés vis-à-vis des règles.
A Fort Apache, tout le monde se côtoie et vit dans l’esprit de groupe. On se retrouve entre irlandais, ou entre anciens sudistes, pour illustrer la pluralité qui caractérise la société américaine, et sur laquelle elle s’est créée. Elle crée parfois des liens de connivence, et parfois des tensions, mais elle est surtout décrite comme étant soudée par la bienveillance des individus et par leur humanité, comme en témoignent les nombreux instants burlesques qui ponctuent ce Massacre de Fort Apache. Il en va de même pour les officiers, comme le capitaine York (John Wayne), le capitaine Collingwood (George O’Brien) ou encore le sergent-major O’Rourke (Ward Bond), qui dirigent tous les hommes avec empathie et humanité. Le Massacre de Fort Apache offre, comme souvent chez John Ford, un vrai panorama sur l’humanité et la société, ici contenu dans le cadre du fort, associant et confrontant les visions du monde sans chercher à être dans le jugement.
A cause de son tempérament très froid et autoritaire, le lieutenant-colonel Owen Thursday attire la méfiance, voire la défiance du spectateur. Toutefois, il ne le fait aucunement par plaisir, mais dans une volonté de prouver sa valeur, de regagner ses galons et le respect de ses supérieurs, témoignant ainsi non pas d’une dureté inflexible, mais bien d’une réelle fragilité qui l’atteint au plus profond de lui-même. C’est dans cette complexité qu’est contenu tout le discours du Massacre de Fort Apache, qui se joue des apparences et des préjugés, qui cultive chaque parcelle d’humanité dans ces étendues désertiques, pour faire fleurir les valeurs de cette jeune société américaine. C’est grâce aux enseignements tirés des actions et des erreurs de chacun, et à la capacité à en comprendre la raison, que la vie pourra continuer.
Comme à son habitude, John Ford sait capturer la beauté de l’image, que ce soit dans les grands espaces ou dans des espaces plus confinés. Le film offre une riche galerie de personnages hauts en couleurs, faisant de ce Massacre de Fort Apache un tableau très vivant de la société de l’époque, cherchant, comme toujours, l’humanité chez chacun d’entre eux et dans leurs actions. Peut-être que l’amourette entre la fille du lieutenant-colonel et entre le lieutenant O’Rourke peut provoquer quelques longueurs, même si elle incarne cette logique de transmission souvent présente dans les films de John Ford. Un passage de témoins ici fait de fort belle manière, à l’issue de spectaculaires scènes de combats, et d’un autre plan mémorable où passé et présent s’associent sur une seule et même image grâce à la magie du cinéma.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art