Le Médaillon
6.8
Le Médaillon

Film de John Brahm (1946)

Une petite anecdote personnelle pour débuter cette critique. Le Médaillon est l'un des tous premiers films du classicisme hollywoodien que j'ai découverts, encore tout jeune adolescent. J'en avais gardé étonnamment un souvenir extrêmement vif, profondément séduit par le rythme et l'ambiance particulières des films hollywoodiens en grande partie à l'origine de mon affection pour cette période cinématographique. Je craignais de le revoir après plus de cinq années et ainsi de le désacraliser quelque peu, mais je n'ai pas été déçu et j'ai même pu examiner avec objectivité les réelles qualités du film.


Cette oeuvre de John Brahm s'affirme comme une synthèse d'éléments provenant du film noir, notamment sa structure particulière, sur laquelle je reviendrai, et du film psychanalytique alors en plein essor à Hollywood (rappelons que La Maison du Docteur Edwardes était sorti l'année précédente). L'un des personnages principaux du film est lui-même psychiatre et une volonté marquée d'intériorité et d'analyse est présente chez chacun d'eux. La psychanalyse freudienne s'immisce ainsi dans de nombreuses séquences, avec en premier lieu le motif du médaillon qui apparaît comme le symbole du trouble de la personnalité de l'héroïne, traumatisée par un souvenir obsessionnel de son enfance. On peut néanmoins noter un léger recul ironique sur ce thème avec le personnage de Brian Aherne, psychiatre qui s'avère incapable d'empêcher le suicide d'un client dépressif et surtout de voir clair dans l'esprit de sa femme, ou encore sa désinvolture dans une séquence où il renvoie une cliente - une bourgeoise qui vient probablement le voir plus par effet de mode que par nécessité - chez elle sans réellement l'écouter.


Par ailleurs, l'important n'est pas tant cette psychologie de comptoir que la façon dont Brahm s'ingénie à brouiller et à interroger la question du point de vue. La structure en flash-back, habituelle dans un film noir, est ici particulièrement complexe puisque dans le récit du psychiatre s'imbrique celui de Robet Mitchum qui intègre à son tour le traumatisme d'enfance de l'héroïne. Il ne faut pas s'attendre pour autant à du David Lynch car l'intrigue reste parfaitement fluide et limpide pour le spectateur comme le veut la tradition hollywoodienne (les retours sur le passé sont par exemple, clairement matérialisés par un effet de flou). Cette structure permet néanmoins de produire une sensation manifeste d'enfermement, puisque deux hommes sont chacun à leur tour trompés par l'héroïne et un destin semblable se profile pour l'homme qui s'apprête à l'épouser au début du film s'il ne tient pas compte de l'avertissement. D'autre part, l'image de la femme fatale est d'autant plus trouble que le spectateur ne la découvre qu'à travers les récits des différents personnages masculins, et peut se demander dans quelle mesure ceux-ci modifient la réalité à leur avantage.


Brahm ne répondra à cette question qu'à la toute fin du film, dans une séquence à l'intensité superbe où l'héroïne, se dirigeant vers l'autel du mariage, revivra les instants marquants de son existence (et donc du film) à renforts d'hallucinations et de voix intérieures. C'est d'ailleurs l'une des rares fois où la mise en scène s'autorise un moment de bravoure puisqu'elle se fait discrète la plupart du temps, suggérant néanmoins admirablement bien le trouble des personnages avec des plans resserrés sur les visages ou les objets symboliques. Mais le film doit également sa qualité en grande partie au talent de ses interprètes, au premier rang desquels Laraine Day qui masque sa duplicité derrière une image de perfection tout à fait hollywoodienne, et donc purement factice. Brian Aherne, terne dans le rôle du psychiatre, s'efface derrière Robert Mitchum qui, dans un de ses premiers grands rôles, incarne ici plutôt la névrose que l'indifférence nonchalante qu'il adoptera par la suite.


S'il n'atteint pas des sommets, Le Médaillon s'affirme comme l'un des meilleurs représentants du courant hollywoodien du film psychanalytique, et permet de passer un moment mémorable qui supporte d'ailleurs très bien les revisionnages.

Faulkner
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le 22 juin 2017

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