Le Médecin de famille par pierreAfeu
Les pays aux passés douloureux ont besoin de se raconter leur histoire. On le mesure ici encore avec ce retour dans l'Argentine des années 60, à l'heure où de nombreux dignitaires nazis séjournaient en Amérique du Sud. Adaptant son propre roman, la réalisatrice de XXY, Lucia Puenzo, se fraie une brèche dans un épisode méconnu du séjour de Mengele à Bariloche, pour inventer un récit ancré dans le passé obscur de son pays.
Nous sommes au bord d'un lac, en hiver, dans un hôtel perdu dans la forêt. On se croirait en Allemagne. D'ailleurs le lycée allemand n'est pas loin. La cohabitation entre les vieilles doctrines germaniques et la latine Argentine semblent presque aller de soi. Un médecin se lie à une famille dont la femme est enceinte, s'intéresse à la cadette qui ne grandit pas assez, propose un traitement.
Le médecin de famille est un film très classique. Rigoureusement construit, proposant une lecture complexe du tortionnaire nazi sans jamais être ambigu, il resserre progressivement la tension dramatique autour du médecin et de la famille qui l'accueille, jusqu'à un final très réussi, digne des meilleurs films d'espionnage des années 70.
On peut cependant regretter une mise en scène trop sage, une écriture trop attendue, et finalement un film qui n'existe pas vraiment. On découvre pourtant toute l'assurance d'un Mengele obsédé par ses recherches médicales abjectes, soutenu par on ne sait quels fonds, dans un pays qui le tolère. Si le propos est édifiant, l'histoire instructive, Lucia Puenzo s'efface trop derrière les monstres du passé, et en oublie de faire du cinéma. S'il est plus difficile de la blâmer, on peut souligner qu'une approche plus personnelle et plus radicale du récit aurait certainement marqué plus durablement les esprits.