Mick Travis est un jeune homme idéaliste et rêveur, qui va faire le tour de l'Angleterre afin de voir le pays par lui-même ; ses principes seront chamboulés, sa naïveté aussi, mais ce parcours va en quelque sorte le changer lui et ceux qui l'entourent.
Lindsay Anderson va réaliser une trilogie, dite Mick Travis, où le seul lien est le nom du personnage et qu'il est incarné par Malcolm McDowell. Car dans If..., Travis est montré comme un rebelle à la société, là c'est tout le contraire ; il en épouse les formes, au départ néanmoins, car il est montré comme un jeune homme bien sous tous rapports, qui est une sorte de Forrest Gump avant l'heure, qui va se trouver aux bons endroits au mauvais moments, mais qui va en quelque sorte découvrir la vie. Notamment d'être mêlé à un complot d'espionnage industriel car il marchait près d'une zone militaire, cobaye pour la recherche médicale (où il va croiser un mec qui a le corps d'un cochon !) ou encore vendeur de café pas très motivé qui va faire la découverte des spectacles de strip-tease.
Il en résulte un film particulier, très très long (on parle de trois heures !), où certains acteurs et actrices jouent plusieurs rôles sans justification, dont Helen Mirren, avec des intermèdes musicaux qui résument l'état d'esprit de Mick Travis à travers cette odyssée, mais au fond, il en résulte quelque chose de passionnant, voire fascinant, sur l'état de l'Angleterre entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. Que Lindsay Anderson voit avec une sorte de pessimisme avéré, comme s'il assistait, en même temps que son personnage principal, à la fin des illusions de l'époque. Le tout avec un Malcolm McDowell excellent, qui porte le film sur ses épaules, changeant peu à peu d'état d'esprit jusqu'à un final très étonnant, une sorte de mise en abyme où il va être dans le casting d'un film réalisé par Lindsay Anderson, nommé... O Lucky Man !
Excepté le titre français qui reprend une phrase de Candide de Voltaire, le film est une adaptation officieuse, il aurait pu s'appeler aussi Heureux le simple d'esprit.
D'ailleurs, O Lucky Man est inspiré des souvenirs d'adolescence de Malcolm McDowell, qui avait fait le même genre de road trip à travers l'Angleterre durant sa jeunesse, ce qui expliquerait que c'est le film préféré de toute sa carrière. D'où le caractère assez singulier du film, qu'on peut trouver irritant, mais qui ne laisse pas indifférent ; dommage cependant qu'il soit si difficile à voir...