Mélange des avis
Vu au Festival de l’Alpes d’huez en janvier mon visionnage date un peu donc ma critique ne sera pas extrêmement précise sur l'aspect technique.Une mise en scène audacieuse pour une comédie là dessus...
le 12 avr. 2025
8 j'aime
1
Je vais commencer par une petite anecdote personnelle. J'ai vu Le Mélange des genres en avant-première au Pathé de Dijon (ville dans laquelle a été tourné le film !). La projection aurait dû se faire en présence de l'équipe (ce qui signifie généralement le réalisateur et une partie du casting !). Mais, ô mauvaise surprise, seul Michel Leclerc, le réalisateur, s'est pointé. Il a prétexté que l'intégralité de sa distribution avait des engagements ailleurs. C'est possible, je lui accorde le bénéfice du doute. Reste qu'il n'est pas improbable que la véritable raison de ces nombreuses absences était que les acteurs et les actrices s'étaient rendu compte de l'ampleur du désastre.
Il n'y a absolument rien qui va dans cette merde, si ce n'est Benjamin Lavernhe et Melha Bedia qui parviennent à être bons, en dépit de la médiocrité de leur rôle. Je vous préviens, c'est le seul compliment que vous lirez dans cette critique.
Par où commencer ? Bon, je vais aller du moins grave au plus grave.
Techniquement, c'est plat. Il y a même quelquefois des plans bâclés, car assez flous.
Michel Leclerc ne sait pas visiblement comment fonctionne une ville de Province, aussi grande soit-elle. Non, il est impossible pour quelqu'un qui a pour ambition de faire une carrière de comédien professionnel (donc avec la possibilité d'atteindre les 507 heures de travail par an pour obtenir le statut d'intermittent !), de travailler principalement en dehors de la région parisienne. En outre, il y a grand maximum trois-quatre représentations d'un même spectacle/artiste dans une ville de Province ; et ce, quasi toujours dans le cadre d'une tournée. Il n'y a qu'à Paris que l'on peut voir, en France, un spectacle représenté des dizaines, des centaines, voire des milliers de fois dans un même lieu. Visiblement, si le cinéaste a placé son intrigue à Dijon, c'est uniquement parce que la région Bourgogne-Franche-Comté, plus soucieuse de promotion touristique que de qualité d’écriture, a accepté de fournir des financements.
Autrement, les personnages se croisent systématiquement, par hasard, dans les mêmes endroits. Euh, ça, ce serait crédible, seulement, si l'histoire se déroulait dans un village de 10-15 habitants grand max. Si ça, ce n'est pas de la bonne grosse paresse scénaristique qui tache bien, je ne sais pas ce que c'est.
Sinon, les personnages secondaires sont, au mieux, mal exploités, au pire, inexistants. Philippe Uchan et Vincent Elbaz ne servent à rien. Ils ne seraient pas là, ça changerait que dalle. Et qu'est-ce c'est que ces caméos musicaux et visuels avec Vincent Delerm qui n'apportent rien à l'intrigue, qui ne sont pas logiques avec la narration globale. Judith Chemla, en cheffe d’un groupe féministe, hérite d’un personnage unidimensionnel, se contentant d’arborer une expression menaçante lors de ses trop sporadiques apparitions. Pour un film qui se revendique féministe, c’est franchement gênant. La féministe bien intentionnée, mais ne faisant que des conneries, jouée par Melha Bedia, n'est réduite qu'à un gag ambulant. Et c'est dommage parce qu'il est révélé qu'elle est SDF et qu'elle a eu un passé traumatique lié à un homme ou à plusieurs hommes. Ce qui aurait pu offrir, sans pour autant occulter entièrement son aspect comique, une belle profondeur dramatique à ce personnage (et donc au film !). C'était une piste scénaristique avec un fort potentiel. Mais non, c'est vite balayé. Son personnage est dégagé durant toute la seconde moitié du film, pour ne réapparaître qu'aléatoirement vers la fin (ouais, Dijon est véritablement un village de 10-15 habitants, ce long-métrage vous en apprend des trucs !), juste pour redevenir un gag ambulant. Les autres féministes, quant à elles, font office de figurantes. Ce qui est aussi symptomatique de cette indifférence à la question féministe : le récit autour du fusil -- qui, pourtant, est ce qui lance l'histoire -- est assez vite laissé de côté et n'est pas du tout abouti.
Lors de la rencontre, ayant suivi la projection mentionnée au début, Leclerc s'est vanté d'avoir mis en scène le duo comique classique de l'abruti et du personnage-contrepoint rationnel ; ce dernier réagissant comme le ferait le spectateur s'il croisait dans la vraie vie un tel énergumène. Vous savez, le genre de duo qu’utilisaient, avec brio, Francis Veber, dans plusieurs de ses œuvres, ainsi que Michel Hazanavicius, dans ses deux OSS 117. Ben non, Michel (Leclerc... pas Hazanavicius !). Pour parvenir à mettre en scène un tel duo, il faudrait déjà que Léa Drucker affiche autre chose qu'un visage fermé en permanence, que l'on ait la possibilité de savoir tout le temps ce que son personnage pense (il est censé être le reflet du spectateur dans le cadre de ce duo, je le rappelle ; et ce problème s'étend aussi à ses relations avec les féministes, qu'il a infiltrées, ainsi qu'à son entourage professionnel !). J'ai eu l'impression que si l'actrice était physiquement bien présente dans la capitale de la moutarde, son esprit, lui, était autre part. De plus et, aussi, en conséquence, il n'y a aucune alchimie amoureuse qui est construite entre le personnage incarné par la comédienne et celui joué par Benjamin Lavernhe ; ce qui fait qu'il y a deux séquences (sur lesquelles je vais revenir plus loin !), dont une à l'intérieur de l'utérus d'une statue, qui débarquent absolument de nulle part.
Alors, un homme féministe, c'est forcément une carpette qui se laisse marcher dessus par tout le monde, y compris par ses propres gosses. C'est bon à savoir. Et quand il confie son mal-être à une Virginie Despentes, errant, la nuit, dans les rues dijonnaises, c'est pour se faire dire -- au lieu, par exemple, des propos plein de bon sens et d'humanité comme "si tu te sens mal, va consulter un psychiatre !" ou "essaye d'avoir une conversation à cœur ouvert avec ton épouse !" -- que ça n'a pas d'importance que tu sois malheureux, que tu dois consentir à être une merde, que seule la cause féministe compte. C'est sûr qu'un homme féministe ne peut qu'être malheureux. Que le bonheur des femmes ne peut que passer que par le malheur des hommes. Ça valait le coup de payer un aller-retour Paris-Dijon à l'autre pour entendre ça...
Mais si vous êtes un homme déconstruit -- je vais spoiler, dans ce paragraphe, en revenant sur les deux séquences que j'avais mentionnées brièvement, par conséquent, évitez de le lire si vous ne voulez pas connaître avant de voir les autres bonnes surprises que nous garde encore en réserve cette grosse purge --
je répète, si vous êtes un homme déconstruit, pour vous reconstruire, il suffit d'embrasser de force une femme, puis, plus tard, de tromper votre épouse avec cette même femme (avec le consentement de cette dernière, il ne faut pas déconner tout de même !). Euh, OK...
Ah oui, alors un homme se fait faussement accuser d'être un prédateur sexuel. Ce qui engage les scénaristes du long-métrage (Michel Leclerc et sa compagne, Baya Kasmi... le mélange des genres au service de la connerie !), à devoir aborder deux sujets extrêmement graves, avec infiniment de subtilité, bien en profondeur, à savoir les conséquences désastreuses que peut avoir une fausse accusation sur la vie d'un innocent et aussi le fait que ce type de mensonge, concernant 2 % des plaintes pour violences sexuelles, contribue à décrédibiliser les 98 autres plaignantes sur 100 qui, elles, méritent justice. Or, le film n'aborde pour ainsi dire jamais -- c'est-à-dire que sur une ou deux courtes scènes et quelques répliques mettant en exergue des statistiques (pour faire genre "j'en ai quelque chose à foutre, alors que ce n'est pas le cas !") -- ces thématiques.
Pour résumer, non content d'être un exemple parfait de ce qu'il ne faut surtout pas faire en termes de construction d'intrigue et de personnages, non content de dégager un fond bête et toxique à tous les niveaux, Le Mélange des genres est un film soi-disant féministe qui n'adopte jamais de point de vue féministe, qui ne prend jamais le temps d'évoquer des préoccupations féministes. En fait, c'est l'œuvre opportuniste, ratée de surcroit, d'un monsieur, dont le logiciel est coincé sur Mai 68, qui veut faire croire qu'il a compris qu'on évolue dans l'ère post-MeToo et qui ne fait que révéler, involontairement, l'inverse.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Benjamin Lavernhe, Les meilleurs films de 2025 et Carnet de bord 2025 (cinéma)
Créée
le 14 avr. 2025
Critique lue 2.6K fois
41 j'aime
22 commentaires
Vu au Festival de l’Alpes d’huez en janvier mon visionnage date un peu donc ma critique ne sera pas extrêmement précise sur l'aspect technique.Une mise en scène audacieuse pour une comédie là dessus...
le 12 avr. 2025
8 j'aime
1
🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/kwPR63x0Iaw👉 Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun ! ? 🔴Imaginez...
Par
le 16 avr. 2025
4 j'aime
Le mélange des genres titre du film mais aussi titre de la critique. Comédie sociétale et policière le cocktail est indigeste. La caricature est un art difficile au cinéma. J'ai plus aimé Natacha...
le 17 avr. 2025
3 j'aime
L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...
Par
le 18 janv. 2023
317 j'aime
24
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
248 j'aime
58
Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...
Par
le 20 juil. 2023
220 j'aime
30