Un dîner presque parfait
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Il existe des films qui développent des idées peu subtiles voire complètement stupides mais parviennent au moins à leur donner un semblant de perspicacité. Par ailleurs, on a parfois l'occasion de regretter un traitement un peu lourdaud d'une idée intéressante qui aurait mérité d'être mieux exploitée. Quand je parle d'idée, je ne parle pas d'un gimmick ou d'un concept mais plutôt d'une pensée. Pour donner l'exemple d'une pensée bête et sans intérêt : « pour mettre fin à la guerre il suffit que les gens soient gentils ». Une pensée intéressante n'a pas nécessairement à être vrai (d'ailleurs pourrait-on même le prouver ?) mais elle doit être construite, réfléchie, n'être nourrie ni par la haine, ni par la naïveté. Or, fait malheureusement trop commun dans le cinéma américain, Le Menu est doublement idiot, présentant des idées grossières à travers une forme qui en accentue le caractère lourdaud et ridicule.
Toutes les idées bateaux semblent être réunies dans un film qui pourrait faire penser à la fameuse scène des diapositives du Pari : Tromper sa femme - ''Pas bien '' / Rester simple – ''Bien'' / Etre riche – ''Pas bien''. Et le châtiment juste, légitime et parfaitement pondéré pour ceux qui ont commis ces péchés ? La mort bien entendue. On me répondra peut-être que ce n'est pas ce que dit le film mais seulement la vision du monde d'un personnage (le chef) mégalo et complètement chtarbé. Mais ce n'est pas vrai. Toute l'évolution du film tend à lui donner raison à travers le personnage de la jeune call girl qui légitime ses actions. Eût-elle périe avec les autres, on aurait compris que cette solution radicale est scandaleuse ? Par son départ sans un regard en arrière, elle justifie la fin. Même les victimes finissent par accepter leur juste châtiment. Pourtant quel est leur crime ? Ont-ils tué des enfants ? Torturé des innocents ? Non, ils ont juste été humains et donc ont fait preuve de faiblesses. Mais ce que le film leur reproche vraiment au fond c'est d'être privilégié. Le film ne s'en cache d'ailleurs pas (l'histoire autour du pain en est l'expression) et joue à fond la carte du populisme. Tous les défauts de la terre sont ceux des riches et le snobisme est le plus grand de tous les défauts. C'est au chef d'accepter qu'un hamburger est une nourriture supérieure et jamais à la jeune-femme de savoir apprécier les talents du chef. Cela me fait penser à cet ami plein de certitudes qui vous affirme avec une pincée de condescendance : de toute façon c'est normal que tu n'aimes pas Suicide Squad, tu préfères les films intellos bobo de tes réalisateurs inconnus ? Vous le connaissez certainement celui-là, vous en avez forcément un dans votre entourage. On parle toujours de la condescendance des snobs (et elle existe) mais jamais du mépris des populistes. J'adore le cinéma hollywoodien, mais voir un réalisateur n'ayant produit que des films commerciaux m'expliquer ce qu'est la vie et l'art, ça a tendance à m'agacer.
Soyons juste néanmoins et reconnaissons au moins que le film est plaisant à suivre, même si tous les rebondissements sont attendus. Néanmoins le scénario est, au-delà de son fond, particulièrement mal écrit. Tout d'abord, aucun personnage, pas même la jeune fille, n'est franchement sympathique. Le suspens de savoir si les personnages vont s'en sortir ou non est donc en grande partie anéanti. Ceux-ci ne sont que des symboles, des illustrations et non aucun corps véritable. Leur histoire est construite sur deux trois lignes de dialogue résumant leur situation. En effet, comme tout film mal écrit, tout est dit, aucune ambiguité ou mystère ne doit subsister. Le spectateur doit tout comprendre sans s'intérroger. Bref on nous prend pour des idiots.
Enfin, le film souffre de l'effet Escape Game auquel il me fait beaucoup penser avec une histoire complètement irréaliste. Comment croire à cette histoire ? Tout est trop gros. Qui peut croire que le chef puisse contrôler à ce point toutes les variables y compris son si nombreux personnel ? Même la plus convaincante des sectes auraient du mal à faire accepter à tous ses adeptes l'idée de ce suicide collectif. De la même manière qu'un film d'horreur avec un monstre invincible, possédant tous les pouvoirs et ne montrant aucune faiblesse est inintéressant, celui-ci souffre de ce sentiment d'artificialité naissant d'un plan sans aucune zone d'ombre fomenté par un personnage omnipotent.
Le menu est donc un film idiot au carré, bête sur la forme et le fond, qui ne peut se laisser voir qu'en débranchant complètement son cerveau voire en le rebootant complètement. L'excuse de la satire ne tient pas la route parce qu'une satire ne se prend pas au sérieux et ne fait pas semblant d'être crédible. Sans filtre, qui est dans le fond également beaucoup plus pertinent que Le Menu, est un bon exemple de satire réussie (ou au moins de véritable satire).
Créée
le 10 juin 2024
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