J'ai revu avec un grand plaisir ce film, même si à la base je ne suis guère passionné par la vie des aristocrates anglais, mais j'aime bien étudier leurs moeurs et leurs relations avec leur domesticité au XIXème siècle ou au début du XXème, surtout quand c'est situé dans un grand manoir, comme j'ai pu le voir aussi dans Gosford Park, Retour à Howards End ou encore dans les Vestiges du jour.
Le sujet est adapté d'un roman par le dramaturge anglais Harold Pinter qui avait déja collaboré avec Losey pour l'adaptation de the Servant et l'écriture du scénario de Accident. Le film est conçu en flashback, le narrateur, Léo Colston, incarné par Michael Redgrave et âgé de 70 ans, se souvient de cet été 1900 où il passa ses 13 ans dans la riche demeure d'un camarade de collège ; ses souvenirs nous transportent dans une société d'aristocrates où les barrières d'interdits séparent les classes sociales. Pour son initiation amoureuse, le jeune Léo va à son insu, passer ces barrières en facilitant la liaison secrète de Marian, la soeur aînée de son camarade avec le métayer du domaine, alors que Marian est fiancée avec un riche propriétaire local ; on est dans une histoire à la Lady Chatterley où Léo découvre la complexité du monde des adultes, les 2 amants se servent de lui comme messager, et de cette complicité involontaire dépendra toute sa vie.
Joseph Losey livre une analyse subtile du monde de l'enfance au moment où perce la vie d'adulte, grâce à une réalisation élégante qui lui valut la Palme d'or au Festival de Cannes en 1971 (à cette époque, les films de Cannes étaient un peu plus attirants que ceux de nos jours). C'est un film sensuel, cruel, d'une grande poésie, tourné dans de superbes paysages anglais, qui s'attache à nous montrer les codes et les moeurs d'une société que la Première guerre mondiale va engloutir, et enrichi par un beau casting où dominent Julie Christie et Alan Bates qui se retrouvaient après Loin de la foule déchaînée, dans un contexte rural assez proche. Seul petit bémol : les autos qu'on voit dans le film ne sont pas des véhicules du début de siècle, mais plutôt des berlines des années 30, il aurait fallu réprimander l'accessoiriste.