Le passé est un pays étranger

« Le passé est un pays étranger... On y fait les choses autrement, là-bas ». Ces paroles prononcées par le héros du film en introduction est un avertissement à ce qui va suivre, à savoir une plongée dans les souvenirs de son enfance lorsqu'il passa ses vacances dans le manoir d'une famille aristocrate.

Ainsi, le passé peut être considéré comme un pays étranger car s'il habite un coin de notre mémoire, il reste un endroit inaccessible matériellement. Une frontière le sépare de nous et le seul moyen de la franchir consiste à utiliser nos souvenirs, ceux-ci nous connectant directement à ce temps perdu. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que ces souvenirs nous jouent parfois des tours et qu'ils nous permettent de capter uniquement un passé tel que nous l'imaginons et non tel qu'il était réellement.

Dans ce pays étranger, c'est donc finalement le faux-semblant qui règne, à l'image de l'intrigue du film où le jeune héros s'amuse à jouer le messager entre une jeune femme noble et son amant le fermier du village. Cette activité n'est qu'un jeu pour le garçon vu qu'il ne se rend pas compte de toute la relation adultère se cachant dans la correspondance. Il ne comprendra la portée de ses actes que peu à peu, ce qui nous fait revenir à la deuxième partie de l'avertissement prononcé au début du film, à savoir cette idée que l'on fait les choses autrement dans le passé.

En effet, traverser la frontière et revenir dans le passé, c'est également retrouver son moi antérieur, un être qui nous ressemble mais pas totalement. N'ayant pas encore notre vécu et notre expérience, ce moi ne partage pas les mêmes réactions et pensées que nous. Cette différence s'affiche dans le film avec notre héros qui jeune, était plein de vie et charmant, tandis que maintenant qu'il a atteint la vieillesse, n'est plus qu'un être vide et désabusé. Deux personnes dans une seule entité...

De par ses thèmes, Le Messager est donc avant tout une fascinante étude sur le temps. Avec un tel sujet de prédilection, il n'est pas étonnant que Joseph Losey et Harold Pinter, respectivement le réalisateur et le scénariste du film, décidèrent par la suite de s'attaquer à l'adaptation d'A la recherche du Temps Perdu de Marcel Proust. Ce projet n'aboutira hélas pas mais on se console en retrouvant dans le Messager tous les éléments chers à l'art proustien.