Michel (René Lefèvre), peintre fauché, est bien embêté : des hordes de créanciers le poursuivent, réclamant le remboursement de ses dettes. Or, voilà que son ami Prosper (Jean-Louis Allibert) arrive avec une excellente nouvelle : Michel vient de remporter un million de florins à la loterie ! Michel est heureux, il n’a qu’à retrouver son billet gagnant et à empocher son million. Seulement, le billet est dans la poche de son veston, et son veston est sur le dos d’un voleur que la fiancée de Michel, Béatrice (Annabella), a aidé à échapper à la police. Retrouver son veston dans Paris ne va pas être une tâche aisée pour Michel. Surtout qu’il est loin d’être le seul à vouloir le récupérer…
Si on évoque la comédie des années 1930-1940, on pense souvent à Charlie Chaplin, Laurel et Hardy, Buster Keaton, Howard Hawks ou aux Marx Brothers. Pourtant, la comédie a connu son heure de gloire dans la première moitié du XXe siècle de notre côté de l’Atlantique également, et René Clair en fut sans doute un des plus grands représentants.
Avec Le Million, adaptation d’une pièce de Georges Berr et Marcel Guillemaud, il fait déjà montre de son incroyable talent à déployer une mécanique comique parfaitement rôdée. Après une introduction légèrement paresseuse, le film prend en effet tout son envol lorsque la poursuite après le veston démarre, ne laissant plus un instant de répit au spectateur en multipliant les situations et les quiproquos jubilatoires.
Pour autant, René Clair, comme à son habitude, n’en oublie pas de distiller un brin de poésie, notamment dans la scène mythique du double duo à l’opéra, durant lequel Michel et Béatrice renouent leur amour, cachés au fond de la scène. Toute la séquence de l’opéra est d’ailleurs proprement inoubliable, la poésie laissant place à un humour proprement irrésistible dans un final enlevé et hilarant, aidé par une mise en scène d’une étonnante modernité.
Même si les chansons de ce qui nous est présenté comme une comédie musicale ne sont pas mémorables, Le Million n’en témoigne donc pas moins d’un sens du burlesque unique en son genre, bénéficiant de personnages hauts en couleurs, d’un excellent casting et d’un scénario diaboliquement bien ficelé qui nous rappellent que René Clair, malgré une trop faible notoriété, est décidément un des grands maîtres de la comédie française.