Sublimer le geste et rendre la parole
Educateur dans les Cévennes, Deligny n'est pas un cinéaste, il n'a jamais tenu une caméra de sa vie et ça ne l'empêche pas d'avoir une formidable idée de cinéma : il va tourner un film thérapeutique, dans lequel il redonne la parole à un jeune homme mutique par le biais d'une dissociation audacieuse entre image et son. Le film a un cachet très amateur, bien sûr, la mise en scène est minimaliste, très documentaire d'autant que la narration est linéaire mais volontairement brumeuse. Il y a d'ailleurs fort à parier que si l'on regarde le film vierge de tout renseignements, on ne saisisse pas le déroulement du métrage. A vrai dire, cela a peu d'importance, le film vaut surtout pour le ballet d'images qu'il offre. Deligny n'est pas un homme de cinéma, mais il affiche une sensibilité très marquée à l'image, une image pure, débarrassée d'ornements et d'artifices pour une expérience de cinéma nouvelle.
Film thérapeutique donc, mais fait avec sincérité et passion. L'objectif est autant de faire évoluer le jeune homme dont Deligny s'occupe, Yves Guignard, qui "joue" logiquement le rôle principal, que de transmettre un ressenti particulier de l'équipe éducative. Deligny l'explique très bien dans les cartons introductifs du film : le moindre geste de ces "débiles", de ces "monstres" est pour eux source d'émerveillement.
Le film porte bien son nom : il s'agit bien de sublimer le moindre geste, de sublimer le geste moindre, trivial, des jeunes dont Deligny et son équipe s'occupent. C'est ce qui justifie le rythme lent et contemplatif, ainsi que la narration nébuleuse de l'ensemble qui ne sert que de prétexte à cet éloge du geste, du mouvement.
Des voix se superposent aux mouvements diffus de Yves. En jouant de l'artifice cinématographique, Deligny a en fait trouvé le moyen de rendre la parole à Yves en raccordant des sons enregistrés et des images. L'idée suscite l'admiration même si son exécution est un peu bancale, la faute à un amateurisme qui est à la fois au fondement du film mais qui montre aussi les limites de ce concept cinématographico-médical.
Toutefois, la pureté de la démarche emporte le morceau d'autant que le film compte de très beaux passages.