Beaucoup de choses à dire dont beaucoup de positif à vrai dire. Toute la première partie nous tient par le slip, c’est tendu au max, en plus d’une esthétique brillante et d’une mise en scène élégante. Elle est parfois tape à l’œil, voire même prétentieuse tant les mouvements de caméra virent à la démonstration de talent, mais, il y a un tel savoir faire, les cadres millimétrés donnent des éléments cruciaux quant à la psychologie des personnages, qu’on ne peut qu’être ébahis face à tant de maîtrise. Le cadre fourmille de détails (les fissures au mur lors de la première scène, le tatouage sur l’épaule de la jeune fille qui rappellent ceux sur le mug du père au début) qui donnent un sens via la mise en scène plutôt que par le dialogue. Le fait que les personnages soient quasi systématiquement enfermés dans des intérieurs (appartement, voiture, maison) renforce l’oppression qui plane sur les personnages lorsqu’ils sont à découvert à l’extérieur.
Le film tient debout grâce à son fil conducteur : la volonté du spectateur d’obtenir des réponses à ses questions. Difficile de ne pas succomber à ce suspense viscéral, dont on aurait aimé que le réalisateur distille plus de réponses au cœur du film plutôt qu’à sa toute fin. Car oui, en faisant le choix de concentrer son film sur la cellule familiale, le spectateur est plongé dans cet univers en mutation et est assailli de questions, comme le sont les personnages, mais c’est à double tranchant. La mécanique finit par agacer et le spectateur à s’impatienter, et perd légèrement en efficacité, là où il aurait du probablement élargir le spectre des recherches. En effet, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les personnages ne cherchent-ils pas plus de réponses à leurs questions (en essayant de prendre contact avec des voisins ou en partant en expédition) alors qu’à côté, l’intrigue s’attarde sur certains détails dont on peine à voir l’utilité (l’obsession sexuelle du fils notamment).
En découlant sur une deuxième partie un poil trop bavarde (lors du chapitre IV notamment, l’inondation), la redoutable efficacité du début est légèrement gommée, au détriment du discours politique, numérique et environnemental que le réalisateur tente d’insuffler, certes en ne réinvitant rien, mais en le faisant bien. Le film est assez jusqu’au-boutiste et il est presque regrettable qu’il donne des explications terre à terre, sûrement pour satisfaire les spectateurs qui souhaitent avoir trop de réponses à leurs questions (dixit la fin de Anatomie d’une chute). Reste la critique sur l’humain qui ne se comprend plus, qui perd le cap (à l’image du paquebot au début) et qui ne sait plus à qui faire confiance. Cette méfiance contribue logiquement au climat anxiogène et tendu jusqu’au tant attendu dénouement.
Le climax a de quoi frustrer mais est en adéquation logique de tout le reste. Les pistes sont distillées ci-et-là et ce dernier moment plein d’humanité et de douceur renforce l’ironie de la situation - et est par ailleurs une immense publicité pour le support physique, ce qui, à titre personnel, m’a provoqué le plus gros fou rire de cette année. Troll ou génie, à vous de voir, mais ce qui en ressort est un film maîtrisé, efficace, avec des interprètes tout autant investis que le spectateur dans l’intrigue.