Une ode à l'adolescence mal vécue, aux fracassés de la vie du haut de leur 17 ans, à ceux qui auraient mille raisons de désespérer mais tiennent bon parce qu'ils sont ensembles, pour le meilleur et surtout pour le pire. Le Monde de Charlie cache bien son jeu, en ressemblant de loin à un drame "par et pour les ados" de plus, mais à peine a-t-on commencé à découvrir Charlie que l'on sait que le propos va être dur, très dur. On ouvre donc ce parcours initiatique avec un ado dépressif, à deux doigts du suicide, qui a des visions d'un passé trouble qu'on cerne peu à peu, au fur et à mesure de ce que les flashbacks veulent bien nous montrer... On est tenu en haleine pour connaître la vérité jusqu'au bout, et franchement : on n'était pas prêt. On apprend de façon subtile (la scène n'est pas montrée) que la tante de Charlie
l'attouchait pendant les absences de ses parents, et que le cadeau pour récompenser son silence est le motif de sa culpabilité (la tante étant décédée en allant le chercher), alliée à cette thématique de l'impossibilité des liaisons amoureuses (la tante est une femme battue...qui passe ses pulsions sur son neveu, et ce neveu sera plus tard incapable d'aborder une fille)
. Que demander de plus, avec ce scénario en béton qui aboutit sur un twist frappant ? Un casting de rêve, peut-être ? Vous serez servi, avec les interprétations à fleur de peau de Logan Lerman (bouleversant, une grande claque), d'Ezra Miller (instantanément adorable et mémorable) et d'Emma Watson (son meilleur rôle, de très loin). Ajoutez encore à cela une mise en scène amoureuse de sa BO (délicieuse pour qui aime le bon rock), entre les scènes au ralenti sur Heroes de David Bowie (meilleure scène du film ? Le choix est tellement difficile...) ou Dexys Midnight Runners (en plus de la chorégraphie endiablée de Sam et Pat, on savourera l'entrée lente de Charlie qui répond parfaitement à la partie chorale de la chanson Come On Eileen), entre les hommages au The Rocky Picture Horror Show (un régal, surtout si les bas moulants sont portés par un Ezra démentiel), et cette ancienne mode de faire des compils sur cassette audio (ça nous manque...). Enfin, comment oublier l'humour qui fait mouche à chaque répartie gorgée de cynisme de ce trio d'ados qui n'ont rien pour eux (chacun est un rescapé d'un passé monstrueusement violent) mais ont tout à offrir. On comprend mieux le titre en VO : The Perks of Being a Wallflower ("Les Avantages de faire tapisserie"), car la réunion de ces trois papier-peints forme une exposition décadente, déjantée, épicurienne, qui ferait rougir Andy Warhol. On peut tous se reconnaître au moins dans un des personnages, le trio regroupant à lui seul un large panel de malêtres adolescents, avec à chaque fois l'envie de s'en sortir, ce qui nous fait finir Le Monde de Charlie avec un twist choquant, une larme au coin de l’œil et finalement un sourire d'espoir. Si vous êtes (ou avez été) un ado normal (donc : avec d'énormes problèmes), ce film vous dit : les papiers-peints, les "freaks", les cœurs brisés, you can be heroes, just for one day... Or more.